Moubarak est parti. Et après ?

Le 12 février 2011

Moubarak enfin parti, les manifestants ont laissé exploser leur joie. Mais alors qu'un autre général assure le pouvoir par intérim, quels seront les enjeux des prochains jours ? Quid de la mobilisation place Tahrir ? Quel rôle pour l'armée ?

Mubarak has left the building

C’est ce que twittait le journaliste et bloggeur égyptien Wael Abbas, avant de se demander où le président déchu pouvait bien être à présent. Trente-deux ans jour pour jour après la Révolution iranienne, il semblerait que la Révolution égyptienne soit en marche. Mubarak has left the building, c’est en substance le message annoncé hier soir à la télévision égyptienne par le Vice Président Omar Souleiman, l’homme proche d’Israël et des USA qui était, comme le rappelle Paul Amar, le chef des mukhabarat, les Services de Renseignements, chargé de superviser les détentions, les interrogatoires, la torture et les transferts illégaux de prisonniers étrangers.

Le président déchu délègue ses pouvoirs au Conseil Suprême des Forces Armées. Les tentatives de polarisation de l’opinion publique domestique et étrangère, l’intimidation, les campagnes de peur et la propagande n’y auront finalement rien fait : la détermination du peuple égyptien, portée par une dynamique complexe de repositionnement politique, l’a emporté.

Tantawi, un autre Moubarak ?

Muhammad Tantawi, 75 ans, qui dirige officiellement l’Egypte. Malgré les soutiens américains – le Secrétaire à la Défense Gates ayant affirmé que l’armée égyptienne avait « contribué à l’évolution de la démocratie » – et les 1,3 milliards de dollars en aide militaire chaque année, les officiels américains ne semblent pas voir en Tantawi l’homme du changement.

Dans les câbles publiés par WikiLeaks, l’administration américaine le dit résistant au changement et inconfortable avec la guerre contre la terreur menée par les Etats-Unis.

Très impliqué dans la préservation de l’unité nationale, note l’un des télégrammes, il est opposé aux réformes économiques et politiques qui pourraient éroder le pouvoir du gouvernement central.

Selon la Qatar News Agency, le Conseil Suprême des Forces Armées formulera sa décision de former un nouveau gouvernement aujourd’hui. Ce gouvernement comptera des personnalités issues de l’armée et n’inclura aucun membre de partis politiques « afin de préparer le pays pour des élections parlementaire et présidentielle et pour la rédaction d’une nouvelle constitution ».

Quel positionnement pour l’armée ?

Il semblerait que l’Egypte fasse largement confiance à son armée pour tracer la voie vers la démocratie tant voulue. Pourtant, si l’armée a beaucoup de choses à gagner dans ce changement de régime, elle a certainement aussi beaucoup à perdre. Qu’elle serve uniquement de protectrice de liberté et de catalyseur de changement sans consolider ses propres intérêts au passage : rien n’est moins sûr. Dès lors, que les intérêts des chefs des forces armées et du peuple égyptien coïncident et l’on assistera à l’achèvement du soulèvement populaire.

Des sept revendications identifiées dans les voix des manifestants, seules deux semblent avoir été concédées (démission du président, dissolution du parlement). Moubarak, qui n’était plus qu’un président fantôme depuis quelques jours, restait l’icône d’un régime honni : la rue, avec le concours de l’armée, a obtenu son départ. Nombreux sont ceux qui refusaient de voir leur révolution compromise et récupérée par l’une ou l’autre faction, la vigilance est donc toujours de mise.

Si Tahrir se vide dans les prochains jours, quelles garanties aura le peuple égyptien d’obtenir sa véritable révolution ? Mais si la Place de la Libération est tenue, une polarisation bien plus forte encore entre ceux qui sont satisfaits et ceux qui veulent continuer la lutte ne risque-t-elle pas de fracturer l’opinion publique égyptienne et de faire vaciller son soutien au soulèvement ?

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Crédits photo, via Flickr, Nebedaay cc-by-nc-sa ; via Wikimedia Commons [Domaine Public], commandant Tantawi

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