OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Gene Simmons (KISS): visionnaire à 30 ans, réactionnaire à 60 http://owni.fr/2010/11/19/gene-simmons-kiss-visionnaire-a-30-ans-reactionnaire-a-60/ http://owni.fr/2010/11/19/gene-simmons-kiss-visionnaire-a-30-ans-reactionnaire-a-60/#comments Fri, 19 Nov 2010 16:59:09 +0000 Valentin Squirelo http://owni.fr/?p=28143 Cette semaine se déroule la 5eme édition de M for Montreal, festival visant à favoriser l’export des nouveaux talents canadiens. Des délégués du monde entier se sont réunis dans la capitale pour assister aux nombreux concerts et aux différents moments dédiés à l’échange de carte de visite.

OWNImusic s’est embarqué sur place pour vous ramener quelques perles musicales à découvrir dans les semaines qui viennent… et vous tenir au courant de ce qui se passe par la bas.

Pour l’ouverture du festival, l’organisation a frappé un grand coup. Rien de moins que Gene Simmons, charismatique bassiste de KISS et business man accompli, resté dans les mémoires pour ses nombreuses provocations. Il est également présent tout au long du festival, accompagné des équipes de son reality-show, “Gene Simmons, Family Jewels”. Tout un programme.

En attendant les bijoux de famille de l’ex-démon, conférence de presse et débat sur le branding entre Gene Simmons et le cofondateur de l’agence de communication Sid Lee. Une bonne occasion de se pencher sur cette figure majeure de l’industrie musicale, malheureusement ancrée dans un autre temps.

Visionnaire à 30 ans

Musicien autodidacte et fan de comics, il créé en 1973 le groupe KISS avec Paul Stanley. Dès le début, Gene Simmons prend un main le développement commercial de son groupe. En ligne de mire, un seul objectif: devenir des rock stars. Pour y parvenir, il se fixera pour ligne directrice de faire de KISS une marque.

Le groupe de hard rock va dès le début jouer sur l’identité de ces quatre membres: maquillage délirant et surnoms dignes de stars du catch (The Demon, Starchild, The Catman et The Spaceman). La renommée du groupe explose fin 1975 avec l’album Alive!, qui les propulse en tête des charts. C’est le début de la KISSmania et des concerts spectaculaire, remplis d’effets pyrotechniques, qui donneront définitivement un autre sens au concept de rock star.

Gene Simmons va développer les licences et le merchandising (plus de 2 500 produits différents à leur nom aujourd’hui) qui vont donner du poids à la marque KISS et générer des centaines de millions de dollars. La marque a d’ailleurs été évaluée à plus de 1 milliard de dollars.

Au delà de cette stratégie de marque, Gene Simmons a également été également mis en place un véritable plan de conquête et de fidélisation de ses fans. Bien avant que le “direct to fan“ou la “fan base” soient prononcés dans chaque réunion de consultant en marketing muscial, KISS a innové en développant une street team, la KISSarmy. Une communauté de fans qui aura servi plus que toute campagne de pub la carrière et la notoriété du groupe.

En créant cette expérience globale autour de KISS, Gene Simmons a réussi à valoriser son groupe bien au delà de la seule musique, en témoigne les nombreux fans présents à Montreal ces jours ci pour l’apercevoir. Pourtant, il semble qu’on ne puisse pas rester visionnaire toute sa vie.

Réactionnaire à 60 ans

L’ancien modèle est le seul modèle qui marche

Cette phrase, prononcée lors de sa conférence de presse, résume bien la position de Gene Simmons sur l’évolution des usages de consommation de musique à l’heure d’Internet. Farouche opposant au téléchargement illégal, il s’est illustré par de sulfureuses déclarations ces dernières années.

En 2008, répondant à la question d’un journaliste à propos de l’éventuelle sortie d’un nouvel album de KISS, Gene Simmons a déclarait :

Elle est six pieds sous terre, et malheureusement ce sont les fans qui ont ont fait ça. Ils ont décidé de télécharger et de partager des fichiers. Il n’y a plus d’industrie du disque autour de nous donc nous allons attendre que tout le monde se mette d’accord et devienne civilisé. Dès que l’industrie du disque remontre le bout de son nez nous enregistrerons de nouveaux morceaux.

Il a également fustigé le groupe Radiohead, l’accusant de causer rien de moins que “la mort de la civilisation”en distribuant en pay what you want (prix libre) leur album “In Rainbows”.

Plus récemment, lors du MipCom 2010, salon international du contenu audiovisuel qui se déroulait à Cannes, il a confirmé:

Faites en sorte que votre marque soit protégée. Soyez certains qu’il n’y a itaucune incursion. Soyez litigieux. Poursuivez tout le monde. Prenez leur maison, leur voiture. Ne laissez personne franchir la ligne.

Il a aussi reproché à l’industrie du disque de ne pas avoir “eu les couilles de poursuivre chaque adolescent qui a téléchargé de la musique“.

Réaction immédiate du groupe anonymous sur 4chan, de nombreuses attaques DDoS (plusieurs dizaines de milliers de connexions simultanées sur un site Internet) ont bloqué l’accès à son site personnel et à celui de son label, Simmons Record. Le FBI a d’ailleurs ouvert une enquête à ce sujet début novembre

La classe, c'est dans les détails...

C’est bien le même personnage que nous avons eu l’occasion de découvrir à Montréal.

Il n’a eu de cesse de faire l’apologie du dépôt de marque (trademark), encourageant à déposer le moindre nom, geste ou concept. Pour lui, c’est une aberration qu’un pays comme le Canada n’ait pas déposé son drapeau en tant que marque, se privant de milliards d’euros de royalties sur l’exploitation du visuel. Il a également conseillé à l’église catholique de trademarker la croix, ce qui permettrait à cette dernière d’arrêter de quémander de l’argent.

Suffisant et provocant, il a réitéré mot pour mot ses précédentes déclarations, et promis qu’il allait rétablir l’ordre au sein du chaos généré par internet, et faire emprisonner tout ceux qui partagent la musique sur internet.

Ouvre les yeux Gene !

Gene, il faut qu’on te tienne au courant : la musique est désormais libre et partageable, de fait. On peut le regretter, on peut s’en réjouir, mais une chose est sur, c’est établi désormais.

La musique est un language universel et Internet connecte aujourd’hui les hommes et les cultures. Ça y est, la rencontre s’est faite. Un melting pot magnifique est en pleine naissance, toutes les influences s’enrichissent et jamais il n’y a eu une telle profusion de musique.

Rien n’arrêtera cette révolution culturelle, et c’est tant mieux.

On peut s’accrocher à l’ancien modèle et se plaindre, mais ce serait nier les cycles économiques qui redistribuent les cartes régulièrement. Edith Piaf se plaignait de l’arrivée des vinyls et des Teppaz (platines avec haut parleur) dans les années 50, les accusant de ruiner les artistes qui vivaient de la scène, en proposant un accès facile et peu onéreux à des enregistrements. On sait aujourd’hui l’envolée spectaculaire que cette évolution technologique a permis, donnant naissance à l’industrie du disque.

Ce sera la même chose dans les années qui viennent. Certes cela bouscule tout, obligeant l’industrie à se restructurer, des métiers disparaissent, d’autres émergent.

Nous passons d’une période prospère mais éphémere où l’on vendaient à la pelle des CDs à une période où nous devons réinventer de nouvelles manières de valoriser la musique.

Une chose (une encore…) est sure: les réponses seront aussi nombreuses que les moyens d’écoute disponibles aujourd’hui. Il faudra réussir à créer une expérience autour des oeuvres musicales, développer des univers enrichis, et non plus se contenter de simples compilations de morceaux d’un artiste.

Internet et la technologie nous permettent de créer de la valeur au delà du simple fichier MP3 et de se connecter au monde entier, profitons-en Gene.

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Crédits photos CC flickr : Anirudh Koul

autres photos CC : @ownimusic

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Pourquoi vous devriez payer pour la musique http://owni.fr/2010/08/14/pourquoi-vous-devriez-payer-pour-la-musique/ http://owni.fr/2010/08/14/pourquoi-vous-devriez-payer-pour-la-musique/#comments Sat, 14 Aug 2010 10:35:40 +0000 Jon Sheldrick http://owni.fr/?p=24701 Jon Sheldrick est un ingénieur son faisant parti de l’équipe de MuseAmi, mais aussi le chanteur du groupe Fatty Acid. Vous pouvez écouter sa musique et la télécharger sur fattyacid.bandcamp.com.

Mettons les choses au clair : j’aime la musique libre. Si un musicien décide de distribuer librement un album, je suis le premier à le télécharger. Je suis contre les poursuites de la RIAA (SACEM américaine) qui attaque les gens qui partagent de la musique.

Plutôt que de faire peur aux gens pour qu’ils achètent de la musique, je plaide pour une culture dans laquelle les gens veulent dépenser de l’argent pour la musique, parce qu’ils comprennent les répercussions positives qu’il a sur la production musicale, et sur la vie des artistes qui la créent.

Payer pour la musique: un bénéfice

Ce que j’espère faire dans les paragraphes qui vont suivre, c’est vous convaincre que le fait de payer pour de la musique bénéficie non seulement aux artistes que vous souhaitez supporter, mais vous bénéficie aussi à vous en tant qu’auditeur.

Je ne vais pas faire un long argumentaire juridique. Il pourrait se justifier, mais il n’est pas pertinent dans la pratique. Une loi est efficace seulement si vous avez les moyens de la faire respecter. Et à moins que quelque chose d’énorme se passe dans le monde de la régulation de l’Internet, personne ne peut réellement forcer les gens à arrêter de partager de la musique.

Après tout, si il n’y avais plus de contrôle des billets à l’entrée d’un concert, on peut imaginer que les revenus générés par les concerts chuteraient aussi vite que les ceux des ventes de CDs.

Le problème est que beaucoup de gens n’estiment pas la musique à sa juste valeur. Qu’est que je veux dire par là ? Je comprends parfaitement que les gens évaluent la musique par rapport au plaisir qu’elle leur procure et au fait qu’ils aiment bouger la tête en écoutant leur iPod. Cependant, ils ne l’évaluent pas au point de payer volontairement un euro par piste, ce qui aiderait ainsi l’artiste qui a fait ce son à continuer de produire cette musique géniale.

Si j’essaie de vous convaincre d’acheter votre prochain album, je ne vais pas y arriver en essayant de vous effrayer avec des arguments abstraits sur les droits d’auteur.

J’avais l’habitude de télécharger illégalement au lycée. Je me souviens quand Napster est arrivé. C’était incroyable. C’était rapide, gratuit, et la musique était livrée à la demande; qu’est ce qui aurait pu être mauvais à propos de ça ! Je peux dire, en toute honneteté, que je n’avais aucune conscience à quel point cela pouvait avoir un impact négatif pour un musicien, jusqu’à ce que je sois moi même dans cette position.

Après le lycée, je suis allé à l’université de New York en espérant devenir ingénieur du son. Au même moment, j’ai commencé à enregistrer ma propre musique, dans l’espoir d’en vivre un jour. Dans l’objectif de m’ouvrir de plus larges perspectives dans le business de la musique, j’ai décroché un stage dans un label indépendant. J’y ai vu des artistes avec une certaine notoriété, se poser la question de savoir si ils pourraient enregistrer un autre album. La demande était là, mais le public ne payait pas pour le produit qu’il affirmait tant aimer. Cela avait pour conséquence directe que les artistes n’enregistraient pas d’albums, purement et simplement. A la place, ils s’embarquaient pour d’incessantes tournées, ne consacrant que très peu voire pas du tout de temps à l’écriture et à l’enregistrement de nouveaux titres.

A cette période, j’ai aussi commencé à chercher du travail dans les studios d’enregistrement. Là j’y ai vu un des effets du partage de fichiers mp3 auxquels on ne pense pas immédiatement. Les musiciens ne pouvaient plus se permettre de payer des ingénieurs sons (qui sont eux même des artistes talentueux dans leur domaine).

Music for pay my loan

"I need a dollar dollar, a dollar is what I need"

Au fur et à mesure que les ventes de musique continuaient à décliner, les studios New Yorkais mettaient peu à peu la clé sous la porte. Et ce n’était pas les majors qui subissaient le plus, mais les petits studios indépendants. Ce n’étaient pas parce qu’ils créaient des produits inférieurs. C’était la conséquence direct du fait que les gens ne payaient plus pour la musique. Cela a induit une baisse de la qualité de la musique produite, ne serait ce que pour les artistes indés qui n’ont pas un million d’euro à claquer dans la production d’un album.

En voyant ce qui se passait autour de moi, j’ai pris le temps de réfléchir. Si je voulais être ingénieur son dans un studio, comment pouvais-je télécharger de la musique illégalement ? Ce serait complètement hypocrite de ma part de télécharger un album pour rien, et dans le même temps espérer que quelqu’un serait prêt à me payer pour travailler sur un autre.

J’ai réalisé que si je voulais que les choses changent, je devais commencer par moi-même. Ne nous voilons pas la face, la meilleure façon de supporter un artiste est financière. Bien sûr, vous pouvez parler de sa musique à vos amis et re-tweeter ses appels à soutien, mais cela ne vas pas nécessairement lui permettre de produire plus de musique.

Au final, quel est l’utilité d’un fan qui parle de votre album a 1000 amis, si aucun d’entre eux ne l’achète ? Ces gens pourraient venir voir le groupe en concert, mais les lives et les enregistrements ont des budgets et des coûts complètement différents. Lorsque vous allez voir un concert, cela ne compense pas l’album que vous avez téléchargé en peer to peer. Le prix de votre place paie les techniciens, l’ingénieur son, le régisseur de la tournée, l’essence, la location du van, et peut être, si ils sont chanceux, les musiciens. Cela réduit le rôle de la musique enregistrée, à n’être qu’un outil de promotion pour vendre des places de concert et des t-shirts. La musique ne devrait elle être qu’un moyen ?

La musique enregistrée produit une expérience d’écoute unique et enrichissante, et les auditeurs devraient s’efforcer de la préserver. Les fans devraient respecter les souhaits de l’artiste. Si un musicien vous demande de payer pour un album, vous devriez respecter le temps et l’effort qu’il a consacré à sa création, et payer pour cela.

Peut être que les gens ne se soucient pas tant que ça de savoir comment les artistes gagnent leur vie pourtant, cela a des répercussions pour l’auditeur. Premièrement, je vous le garantis, cela vous procurera une expérience d’écoute plus enrichissante. Vous aurez un enregistrement à la hauteur des souhaits artistiques de l’artiste. Vous l’écouterez plus. Comme vous savoureriez le goût d’une bouteille de vin très chère, vous savourerez plus la musique que vous aurez acheté.

Acheter un album rendra également plus facile pour un artiste d’en produire un autre, ce qui signifie qu’après avoir dégusté et apprécié cet enregistrement, vous aurez encore plus vite accès à unnouveau. C’est par essence un deal gagnant/gagnant.

Listening Bear

La musique, un monde de bisounours?

Vous ne me croyez pas ? Essayez ! Attendez patiemment la date de sortie de l’album d’un de vos groupes préférés, comme vous attendriez qu’un délicieux plat cuise au four. Quand il arrive, prenez le temps de bien vous installer et lancer la lecture. Vous arriverez à la fin de l’album avec le sentiment gratifiant que vous avez permis à l’artiste que vous aimez de continuer à créer de la musique magnifique, que vous serez en mesure de tweeter dans un futur encore plus proche !

Au final, on se retrouve confronté à une question morale. Malheureusement dans le monde de la musique, comme dans la vie en général, la voie morale n’est pas toujours la plus facile à prendre. Comme Platon le disait “La musique donne une âme à nos coeurs et des ailes à la pensée”. Dans cette optique, la musique est au moins aussi importante que l’air que nous respirons. Je vous exhorte à méditer là dessus.

A quel point la musique est importante pour vous ? Comment elle affecte positivement votre vie ? J’espère que vous serez nombreux à aboutir à la même conclusion que moi, même si vous n’avez pas des gros moyens, 10 dollars pour un album que vous pourrez écouter 100 fois c’est une putain de bonne affaire.

Article initialement publié sur HuffingtonPost.com

Illustrations CC FlickR par shankar, shiv

Traduction et adaptation : Valentin Squirelo


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ACTA: vers un Yalta de l’Internet? http://owni.fr/2010/03/29/acta-vers-un-yalta-de-l%e2%80%99internet/ http://owni.fr/2010/03/29/acta-vers-un-yalta-de-l%e2%80%99internet/#comments Mon, 29 Mar 2010 16:14:37 +0000 Bluetouff http://owni.fr/?p=11102 acta_hires-300x194

Alors qu’une poignée de politiques à travers le monde commencent à s’inquiéter de l’ACTA, cet accord commercial multilatéral de libre échange négocié secrètement, les pays, concernés ou pas (tous le seront à terme et nous allons ici le démontrer), commencent à prendre des mesures pour appréhender ce qui était jusqu’à aujourd’hui un espace virtuel d’exercice de ses libertés pas virtuelles du tout (nous avons, en France, une décision du Conseil Constitutionnel pour en attester).

Rappelons que l’ACTA vise à lutter au niveau mondial contre les échanges de fichiers soumis à copyright. L’ACTA est évidemment porté par les USA, forts de leur industrie culturelle et de la toute puissante RIAA dont on reconnait la griffe. La position des Etats-Unis est assez claire : elle souhaite mettre un terme aux échanges peer to peer (et pas seulement), mettre en place des dispositifs de filtrage (chose qu’elle ne peut pas faire de manière unilatérale à cause de la nature acentrée du réseau Internet), créer des officines privées sur le modèle HADOPI pour la mise en place d’une riposte graduée globale sans avoir à passer par un juge.

La lutte contre la contrefaçon numérique est-elle vraiment nécessaire ?

Je sens que certains vont me trouver un peu gonflé, mais bon lâchons nous, vous allez voir c’est une question de point de vue. Si la contrefaçon numérique est inscrite dans le corpus législatif de nombreuses nation, ce n’est pas le fruit du hasard. On a toujours transposé au virtuel ce qui existait dans le réel, rien d’étonnant donc à voir apparaître des lois qui tendent à protéger ici le copyright ou là le droit d’auteur.

Depuis l’apparition de Napster, il est apparu comme une évidence que l’Internet était une énorme machine à copier. Sans contrainte, sans verrou, elle permet de faire des copies immatérielles à l’identique d’un bien culturel.

La première réaction des industries a donc été de tenter de poser des verrous, d’abord avec les formats (toutes les tentatives ont été des flops retentissants : Real, Microsoft WMA/WMV/ASF, Sony …;  ensuite avec les DRM. Ceux-ci auraient très bien pu fonctionner si la cupidité des uns et des autres ne les avait pas mener à tenter d’imposer chacun leur pseudos « standard » non intéropérables.

On peut appeler cette période l’an 2 de l’Internet : celle où les industries ont tenté, par la technique, d’imposer au Net de la fermeture après plusieurs années d’ouverture. C’était évidemment voué à l’échec: quand on propose à un internaute de payer 20 euros un bout de plastique qu’il ne peut même pas lire dans sa voiture ou sur son ordinateur, à l’époque où les chaînes hi-fi sont une espèce en voie de disparition, l’idée ne semble pas lumineuse. L’industrie a donc du faire marche arrière sur les DRM, avec les formats, c’est son second échec… les deux sur des mesures purement techniques.

Le téléchargement c’est tout sauf du vol

Un vol entend une soustraction, dans le cadre d’un échange sur Internet, le bien, dématérialisé, est dupliqué, et non soustrait. Ce fait, à lui seul, tend à démonter tout « vol », il n’y a pas soustraction, mais multiplication. Mais approfondissons un peu…

Le droit d’auteur (et non le copyright, même si depuis la Convention de Berne, les frontières entre droit d’auteur et copyright tendent à s’estomper), dit imprescriptible et inaliénable, se compose d’un droit dit moral (c’est lui qui est imprescriptible et inaliénable) et de droits dits patrimoniaux. Pour faire simple (mes compétences juridiques sont très limitées), le droit moral assure à l’auteur la reconnaissance de la paternité de l’œuvre tandis que les droits patrimoniaux font directement référence à son exploitation commerciale. Dans le cadre de la propriété littéraire et artistique, nous ajouterons à ceci les droits voisins qui couvrent les droits des interprètes et des producteurs et afférent également à l’exploitation de l’œuvre.

Un téléchargement (une copie) n’est pas une expropriation, l’auteur conserve la jouissance pleine et entière de ses droits moraux. Preuve de la cupidité et surtout du misérabilisme auquel certaines industries culturelles sont habituées, la France a officialisé fiscalement le « droit à la copie privée » en instituant une taxe sur les supports vierges. Attention cependant, la copie privée est une exception au droit d’auteur et comme toute exception, elle n’a pas pour vocation à devenir la règle. Seul problème, sur les plusieurs centaines de millions d’euros perçues, les artistes n’en ont pas vu la queue d’un.

Jusque là, les aspects juridiques n’avaient servi qu’à une chose : protéger les mesures techniques… et jusque là … c’est un FAIL sur toute la ligne. Il faut donc changer de stratégie.

ACTA : an 3 de l’Internet sale

Avec l’ACTA, on rentre dans l’an 3 de cette guerre perdue d’avance.

On passe d’une stratégie globale que l’on appliquait aux fabricants, à une stratégie globale applicable localement par des Etats souverains en brandissant le bâton des mesures de rétorsion économique… ce qu’on appelle pudiquement le libre échange en économie.

C’est malin, mais là encore ce ne sera pas suffisant. Le document de travail publié par La Quadrature du Net montre que le Japon et et les USA sont les deux locomotives de ce projet et n’hésitent pas à faire pression sur les Etats pour rendre les fournisseurs d’accès responsables de ce qui transite sur le réseau. Cela porterait un coup fatal à la neutralité du Net, principe fondateur du réseau qui, s’il venait à être remis en cause, modifierait profondément la nature de l’Internet tel que nous le connaissons. Je vous invite à écouter, une fois de plus, la définition que Benjamin Bayart donne de la neutralité du Net avec des mots intelligibles par tous.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

> A la question « Sommes nous capables de poser un dôme opaque sur un pays car le soleil est une concurrence déloyale aux producteurs d’électricité » … la France dit oui … c’est notre exception culturelle à nous, les « créateurs de possible ».

> A la question « Pouvons nous poser un dôme opaque sur plusieurs pays ? », la réponse est oui

> A la question « Pourrons nous quand même voir le soleil malgré le dôme ? », la réponse est oui

> A la question « Pouvons nous créer un réseau alternatif et délaisser un Internet non neutre au profit d’un réseau lourdement chiffré et impossible à surveiller ? », la réponse est oui, il en existe déjà plusieurs

Pourquoi l’ACTA ?

ACTA n’est ni plus ni moins qu’une réponse protectionniste à des difficultés économiques rencontrées par les USA, la Chine commence à faire peur et les USA travaillent donc leur point fort: leur industrie culturelle, et ils entendent bien jouer de tout leur poids. La position du Japon est de marcher main dans la main avec les USA, et pour cause, le pays du soleil levant dispose d’une énorme industrie des biens culturels (si je vous dis consoles de jeux ?).

La Chine de son côté n’est pas vraiment concernée, il faut dire que le gouvernement chinois n’a pas attendu les ACTA pour filtrer Internet et que du coup, la Chine ressemble plus à un gros LAN qu’à l’Internet. Le piratage est loin d’être le problème du gouvernement chinois, il préfère surveiller et enfermer ses opposants, filtrer Twitter ou Facebook.

Les USA et le Japon ont un poids encore considérable sur l’économie mondiale, ils sont donc bien armés pour entrainer quelques pays dans leur vision du nouveau cyber ordre mondial, un monde où le copyright et les brevets porteraient atteinte à la neutralité du Net, et donc comme l’a souligné le Conseil Constitutionnel en France, porteraient de fait atteinte à la liberté d’expression, à la liberté d’entreprendre (un Internet filtré est le meilleur moyen de créer une importante distorsion à la libre concurrence).

Il y aura forcément de la casse avec ACTA, les USA et le Japon entraineront avec eux les pays qu’ils tiennent économiquement dans le creux de leur main, si l’Europe courbe l’échine, c’est qu’elle dit oui à un Yalta de l’Internet dans lequel les valeurs qu’elle défend seront allègrement piétinées par des société privées.

Article initialement publié sur le blog de Bluetouff

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