OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 The Atavist, XXI sur Internet? http://owni.fr/2011/04/01/the-atavist-xxi-sur-internet/ http://owni.fr/2011/04/01/the-atavist-xxi-sur-internet/#comments Fri, 01 Apr 2011 06:35:28 +0000 Benoit Raphaël http://owni.fr/?p=54679 Et pourquoi pas ? On a tellement l’habitude de dire que sur le réseau les articles doivent être courts et gratuits, que le contraire doit certainement avoir un sens. De la même manière que le magazine XXI s’est construit en contraste avec le flux du web (un magazine papier, payant, avec des articles de 30.000 signes, vendu en librairie, pour arrêter le temps réel et retrouver le sens du récit), on se dit qu’il est possible de proposer un produit plus dense, présenté dans un emballage agréable, et le faire payer.

C’est ce propose The Atavist [en], une application iPhone, iPad, Android (également sur Kindle). Créée par Etan Ratliff, auteur pour le magazine Wired qui s’était fait connaître en tentant de disparaître aux yeux du monde et des réseaux [en].

Cliquer ici pour voir la vidéo.

The Atavist ne propose que des reportages longs (10 à 15.000 signes), qui se lisent comme des petits livres, mais avec de nombreuses options multimédia, ce qui rend l’interface un peu incompréhensible :

Depuis la barre de menus mais aussi à partir de certains mots soulignés, le lecteur peut sortir de sa lecture pour voir un diaporama (plutôt agréable), une note avec photo (très pratique), une vidéo (marche assez mal), un son, ou un lien (il faut être connecté !). Il peut même écouter une musique d’ambiance…

Bref, un bel objet éditorial, qui part un peu dans tous les sens, mais qui laisse une impression agréable de haut de gamme. Il se rapproche finalement plus du format du livre que du magazine. Jusqu’ici 40.000 exemplaires de l’application ont été téléchargés. Mais pas d’indications sur le nombre d’articles vendus.

Chaque reportage est proposé à 1,99 dollars. The Atavist paie les frais du reporter puis partage les revenus avec les ventes du reportage [en]. On verra si la formule fonctionne, mais elle valide une tendance : le réseau a rendu les moments de contact avec l’info plus nombreux, ce qui complexifie les modes de lecture. Tant mieux.

À côté du livre, moment solitaire et méditatif, forcément long, et de l’article web vite consommé, il y a sans doute une place pour un contenu entre l’article court et le livre long, que l’on peut consulter dans le bus, le métro, en attendant le médecin, ou simplement lorsque l’on est hors-ligne avec 30mn devant soi (c’est rare, je sais…).

Après Instapaper et Longread, et maintenant The Atavist, c’est la revanche des contenus longs sur Internet.

Billet initialement publié sur la social NewsRoom de Benoit Raphaël

Crédits photo Flickr CC Rodrigo Galindez

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Comment faire payer l’information? http://owni.fr/2010/04/28/comment-faire-payer-linformation/ http://owni.fr/2010/04/28/comment-faire-payer-linformation/#comments Wed, 28 Apr 2010 09:58:58 +0000 Marc Mentré http://owni.fr/?p=13823 Tout part d’une question: quelle est la valeur de l’information sur Internet? Est-ce une commodity, c’est-à-dire un bien banal, quelconque, indifférencié, dont la valeur ne dépend que de la loi de l’offre et de la demande, sachant que la demande est surabondante? Par exemple, tous les sites ont parlé abondamment et à peu près dans les même termes du volcan islandais et de son nuage. “Vous ne pourrez pas faire payer pour cela”, explique Mark Glaser de MediaShift.

À l’inverse, l’information a-t-elle une réelle valeur? Alors, “il faut que cette valeur revienne à son légitime propriétaire”, comme le revendique Claudio Guia, directeur du développement du groupe L’Expresso.

Selon que l’on adopte l’un ou l’autre de ces points de vue, la stratégie à mettre en place diffère considérablement. Pour Claudio Guia, les choses sont claires: “L’information a beaucoup de valeur et ce quelque soit la plateforme, télévison, radio, print”. C’est avec Internet que les choses se gâtent.

Alors que l’information est le moteur du trafic, “sa valeur se déprécie immédiatement” sur la toile. La faute à une concurrence exacerbée. Et le modèle payant ne peut pas marcher. “C’est trop tard, affirme-t-il, ce ne peut pas être le modèle gagnant, car trop de monde produit de l’information.” Par exemple, explique-t-il, si L’Expresso propose une application payante pour l’iPhone, je consulterai celle de La Stampa qui sera gratuite”.

Les éditeurs cherchent à négocier une fair compensation avec Google

Si le payant ne marche pas, la seule source de recettes demeure donc la publicité [NDLR: chez Owni, on est moyen d'accord]. Mais double problème. L’un spécifique à l’Italie, où Mediaset, le groupe de Silvio Berlusconi, possède les principaux réseaux de télévision [le seul concurrent privé sérieux en Italie est Sky de Rupert Murdoch] et “c’est là que va l’argent”, martèle Pietro Varvello de RCS [ce groupe édite notamment le Corriere della Serra].

L’autre est spécifique au web: les internautes goûtent peu les publicités invasives: “Nous avons eu des réactions très négatives à propos d’une publicité Vodaphone, sur le site de L’Expresso, dit Claudio Guia. Et se dresse un nouveau et puissant concurrent: les réseaux sociaux, “qui peuvent faire maintenant de la publicité ciblée”. Il ne reste donc selon cette approche qu’une seule voie de salut: négocier avec Google et les autres moteurs de recherche une fair compensation (“compensation équitable”).

Problème, remarque Pietro Varvello, “la fair compensation fonctionne pour les producteurs d’information, mais non pour les utilisateurs pour qui l’information sera toujours à très faible valeur”. Pour lui, il faut donc trouver un modèle économique plus en ligne avec le marché et, en premier lieu, se demander qui est intéressé par l’information, car

“si quelqu’un l’est, la plateforme [télé, radio, web ou papier] importe peu. La vrai difficulté tient à ce que le rôle de l’information décroit, parce que les gens ont de moins en moins de temps à y consacrer”.

“Les gens veulent entrer dans le contenu”

Il existe pourtant plusieurs modèles payants, le premier d’entre eux étant le micro-paiement. Mark Glaser balaie l’idée de créer un équivalent d’ITunes pour l’information: “Il faudrait trouver un système aussi simple, et surtout, il n’est pas sûr que les gens voient les ‘morceaux d’information’ comme ils voient les morceaux de musique”.

En fait, la plupart des propositions de modèles payants tournent autour de celui mis au point par le Financial Times et que devrait adopter en 2011 le New York Times. Son principe est simple: l’internaute peut consommer un nombre limité d’articles par mois et dès qu’il dépasse un certain niveau, il doit payer un abonnement pour avoir accès au contenu. “Le freemium est le saint-graal, pour beaucoup de monde”, s’amuse Mark Glaser.

Il y a de nombreuses autres réponses, dont ne fait pas partie le micro-paiement. “Cela fonctionne pour la musique, grâce à iTunes notamment qui est un système simple d’usage, mais il n’est pas certain que les les gens voient les morceaux d’information comme ils voient les morceaux de musique”.

En revanche, il retient l’exemple de ces nombreuses start up (Voice of San Diego, Minn Post, Propublica, Spot.us…) qui ont démarré directement sur le web sans s’encombrer des lourdes infrastructures que nécessitent le print. “Ces start up deviennent d’une taille de plus en plus importantes et commencent à trouver un modèle économique viable [sustainable model].”

La voie royale est certainement le marché d’information de niche (locale, de sports, etc.), mais ajoute-t-il, “certains sites font plus d’argent avec la publication print qu’ils ont lancé”.

Surtout  insiste-t-il, “les gens veulent entrer dans le contenu“. La participation, la création de communautés actives autour des sites sont sans doute une des clés de la rentabilité des sites. “On peut alors utiliser des publicités ciblées”, analyse Mark Glaser.

La pente à remonter est à l’évidence considérable.

<Une centaine de personnes, dont environ la moitié de journalistes, assistait à ce débat. Seules trois mains se levèrent lorsque l’animateur demanda qui avait déjà payé pour de l’information sur Internet …

Nouveaux business models pour l’information online (New Business Models for Online News)

avec la participation de
Luca Conti, fondateur de pandemia.info
Mark Glaser, directeur exécutif de Mediashift
Claudio Giua, groupe Expresso
Pietro Varvello, groupe RCS

> Illustrations par kiki99 et drp sur Flickr

> Merci à Marc Mentré pour le compte-rendu de ces conférences

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La presse court derrière la Tablette comme un canard numérique sans tête http://owni.fr/2010/01/28/la-presse-court-derriere-la-tablette-comme-un-canard-numerique-sans-tete/ http://owni.fr/2010/01/28/la-presse-court-derriere-la-tablette-comme-un-canard-numerique-sans-tete/#comments Thu, 28 Jan 2010 06:39:58 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=7290 Dix ans après le Big Bang numérique qui a mis fin à l’ère Gutenberg, la presse continue à courir désespérément après un nouveau modèle économique et à divaguer en tout sens comme un canard sans tête. Et ce n’est pas la Sainte Tablette d’Apple – dévoilée ce soir à 19h00 heure de Paris par le divin Steve Jobs depuis son Temple de Cuppertino – qui devrait répondre d’un coup de baguette mystique au questionnement existentiel des journaux papier. L’attente des éditeurs pour ce terminal hybride à écran tactile finalement baptisée “Ipad” et ressemblant à un iPhone XXL (l’écran fait 10 pouces, soit moins d’une feuille A4) est pourtant énorme.

Pensez-donc : à mi-chemin entre l’iPhone, les fameux “readers” et le mini-mac, l’ardoise électronique d’Apple qui sera commercialisée dès la fin mars aux Etats-Unis et sans doute en Europe permettra de lire la presse en version numérique avec un confort inégalé : format plus agréable grâce à un écran 10 pouces (trois fois plus grand que celui de l’iPhone), affichage en couleur (quand le Kindle d’Amazon est encore noir et blanc), possibilité de “feuilleter” son journal, de voir des vidéos associées aux articles… le tout “anywhere, anytime” puisque le nouveau joujou de la firme à la pomme pourra se connecter à internet en Wifi (et en “3G”) et qu’il tiendra dans un sac à main.

Le prix est bien inférieur à ce qu’on imaginait : 499 dollars pour le modèle 16Go, 599 dollars pour le 32 Go…on est loin des 800 voire 1000 dollars sur lesquels la blogosphère spéculait. Le forfait données est à l’avenant : 29,99 dollars pour l’internet illimité chez ATT !

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Devant tant d’atouts et comme hypnotisée par le Buzz qu’a créé Apple autour de sa Tablette, la presse déboussolée pense enfin tenir sa “killer application” : le terminal ultime pour convaincre l’internaute de “payer pour voir”, alors que la culture de la gratuité s’est imposée massivement sur le Web pour les News.

Personne n’a oublié comment la firme à la pomme a littéralement a sauvé des eaux l’industrie de la musique. En 2003, quand Apple a lancé l’iPod et son magasin en ligne iTunes, les majors du disque étaient sur le point de succomber aux assauts des bataillons de pirates ordinaires formés par les internautes convertis au téléchargement en “peer to peer”.

Depuis, elles ont vendus 8,5 milliards de chansons dématérialisées sur iTunes qui est devenu le premier disquaire au monde. En reversant une légère dîme d’environ 5 à 10 centimes sur chaque morceau vendu 99 centimes d’euros. Apple s’en contente car la firme fait son beurre sur les iPod et les iPhone (21 millions et 8,7 millions écoulées rien que sur le dernier trimestre 2009 !). C’est ce modèle qui suscite le fol espoir des patrons de presse qui sont prêts, sans problème, à lâcher 10 centimes à Apple pour un journal en ligne qui serait vendu moins de 1 euro sur la Tablette. Et pour cause, si la presse se dématérialise à terme comme la musique, elle fera l’économie du papier, des rotatives et des coûts de distribution qui représentent aujourd’hui près de 70 % du prix de vente d’un quotidien.

Dans ces conditions, la presse est prête à signer comme un seul homme avec Apple qui pourrait annoncer dès ce soir des accords avec le “New York Times” et les grands éditeurs de magazines américains qui se sont alliés pour la circonstance (Time, Condé Nast, Hearst…). Les journaux sont d’autant plus prêts à se jeter dans les bras d’Apple qu’ils ont vu avec inquiétude le très souriant Boss d’Amazon, Jeff Bezos, tenter de leur imposer une clé de répartition totalement disproportionnée : je prends 70 % des abonnements souscrits à votre quotidien sur le Kindle et je vous laisse royalement un pourboire de 30 %. Inacceptable…sauf quand on voit ses recettes publicitaires s’écrouler de 25 % et sa diffusion fondre de 10 % en moyenne comme ça a été le cas en 2009 pour la plupart des titres. On comprend mieux pourquoi la presse unanime s’est prise de passion pour la Tablette en relayant quasi-hystériquement le Buzz orchestré par Apple autour de son nouveau produit…
Mais attention à l’effet de Panurge. Avant la Sainte Tablette, la presse a déjà beaucoup erré en cherchant son berger de l’ère numérique.



Gratuit ou payant sur Internet et les smartphones ? Course à l’audience mal rémunérée par les annonceurs ou fastidieuse chasse à l’abonné en ligne ? Boycotter Google, taxer Microsoft…ou inversement ? Pour les patrons de journaux du monde entier qui ont perdu le Nord, le magnat des médias Rupert Murdoch était devenu une véritable boussole. Problème, le propriétaire (entre autres) du “Wall Street Journal” et du “Times” de Londres s’est comporté lui-même comme vraie girouette tournant en tous sens dans l’espoir de trouver le bon cap.

“Citizen Murdoch” a d’abord décrété la gratuité quasi-totale pour le site internet du “WSJ” lorsqu’il a racheté le grand quotidien d’affaires américaine en 2007 . Puis il a décréter quelques mois plus tard – quand la bise publicitaire fut venue – que l’avenir était au péage… Avant de se mettre en tête de faire payer à Google et/ou Bing (le moteur de Microsoft) le référencement des dizaines de milliers d’articles produits quotidiennement par son empire de presse.

Comme des moutons, des centaines de journaux à travers le monde ont suivi le mouvement : un pas en avant, deux pas en arrière. Ou inversement. Récemment on a ainsi vu “L’Express” partir bille en tête sur un modèle de kiosque payant avant de stopper toutes les machines. Les études ont semble-t-il rappelé aux dirigeants de l’hebdo que quelle que soit la qualité des articles, il était difficile, voir impossible de faire payer une information généraliste disponible gratuitement et en quantité industrielle sur Google News. Et il y a fort parier que “Le Figaro”, qui a annoncé son passage au payant pour 2010, risque au final de faire le même pas de deux.

Car jusqu’ici seuls les grands quotidiens économiques et financiers comme le “Wall Street Journal”, le “Financial Times” ou “Les Echos” (et ce n’est pas parce que j’y travaille) sont parvenus à monétiser en ligne leurs informations dites “à valeur ajoutée”. Le FT.com a ainsi conquis 121.000 abonnés qui payent entre 186 et 363 euros par an pour lire en ligne le journal de la City. Résultat : 33 millions d’euros de chiffre d’affaires internet. De quoi faire rêver plus d’un éditeur…mais n’est pas le “FT” qui veut.

Alors la Tablette d’Apple arrivera-t-elle à faire boire un âne qui n’a pas soif ? A convaincre enfin le lecteur 2.0 qui n’achète plus de journaux en kiosques qu’il faudra bien payer pour les lire online ? Le grand “New York Times” a l’air d’y croire : jusqu’ici gratuit sur Internet, il a décidé de passer au payant…mais pas avant 2011, date à laquelle on saura si la Sainte Tablette s’est vendue comme des petits pains. Bref, Apple n’a pas intérêt à décevoir tant d’attente sans quoi la presse énamourée pourrait bien se retourner méchamment contre la Pomme…

» Article initialement publié sur “Sur mon écran radar”

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La démonétisation, ou le vertige qui saisit les médias http://owni.fr/2009/10/12/la-demonetisation-ou-le-vertige-qui-saisit-les-medias/ http://owni.fr/2009/10/12/la-demonetisation-ou-le-vertige-qui-saisit-les-medias/#comments Mon, 12 Oct 2009 08:11:58 +0000 Alexis MONS http://owni.fr/?p=4510 Quand Ruppert Murdoch a annoncé, cet été, qu’il repassait au modèle payant (offline compris), beaucoup, dont moi, ont considéré ça comme une sorte de chant du cygne. D’autres pensent que c’est la guerre. Pour ma part, je doute encore de la réponse, mais j’ai bien compris la question. Dans la tempête, on se prend à douter et à entrevoir l’abîme. Aujourd’hui, celui-ci a un nom : la démonétisation. Explications …

En disant que l’on a usé et abusé de modèles gratuits financés par la pub, je ne surprendrai personne. Il en est de même dans le fait de constater que la « crise » rebat les cartes et oblige tout un chacun à réfléchir. Certains pensent qu’il s’agit surtout d’un crach de la publicité plus durable, car lié à l’effondrement de la valeur du clic. Cela a généré tout un débat pour sortir de l’entonnoir, avec l’idée de CPM digital notamment, et pour notre compte une partie de la conviction que l’attention est la vraie valeur des choses.
Peu importe cependant que l’on trouve des solutions qui revalorisent la publicité, quelle qu’en soit la forme. Peu importe aussi que les modèles Freemium soient enfin reconnus à leur juste valeur, la question n’est pas micro-économique. Le débat actuel porte de manière un peu caricatural sur une confrontation de vision entre payant et gratuit.

demonetisation

Dans « Free », Chris Anderson prend l’exemple du marché des encyclopédie pour illustrer le concept de démonétisation. En 1991, le marché des encyclopédies pesait 1,2Md$ aux USA et était dominé par Britannica. Le produit standard vallait 1000$. En 1993, Microsoft sortit Encarta sur CD-Rom à 99$ et en 1996, le marché s’était contracté à 600M$. Aujourd’hui, à l’heure de Wikipedia, ce marché s’est encore plus réduit et on pourrait penser qu’il va simplement disparaître. Pendant ce temps, les gens qui dépensaient 1000$ dans une encyclopédie en 1991 ont utilisé cet argent à autre chose, sans doute à acheter un PC qui vaut à peu près ce prix, et accéder au web pour lire et parfois contribuer à Wikipedia.
Ce qui fait peur dans cette histoire, c’est de s’imaginer être Britannica et voir disparaître purement et simplement le marché qui forme votre business. Ce qui fait peur, dans cette histoire, c’est la disparition pure et simple de segments entier de business. Ce qui fait peur, aujourd’hui, c’est de voir dans l’absence de solution au financement des médias celui de la démonétisation de l’économie des médias et leur disparition au sens business. On observera alors de manière orientée les débats post-nucléaires du genre mort des journaux ou des journalistes ?, où du positivisme sur l’impact de cette disparition pour la société et la démocratie. De manière volontairement polémique, je dirai simplement que les grecs n’avaient pas de journaux ni de journalistes, mais en avaient-ils besoin ?

Cette vision de cauchemar n’est pas qu’une vue de l’esprit. C’est à mon sens elle qui pousse Murdoch à partir en guerre et à remonétiser avec volontarisme. C’est aussi elle qui fait descendre Google de sa montagne pour proposer un modèle de revenu payant aux médias. En fait, Google se fichait jusqu’alors de la démonétisation des médias. Maintenant, il craint que son modèle publicitaire ne pâtisse de la disparition des contenus des grands médias, de leur qualité, de l’audience qu’ils drainent.
Le payant est de retour, non pas pour remplir les caisses, le payant est de retour pour réinjecter de la monnaie dans le marché et faire cesser sa dégénérescence.

Le paradoxe apparent, c’est que l’audience n’a pas disparue. Elle a même fait mieux que de se déplacer, elle a grandie, notamment du côté des médias sociaix. Il n’est d’ailleurs pas fortui que l’on parle de « médias » sociaux plus que de réseaux sociaux. L’attention des gens, la vraie valeur rare, s’est en effet déplacée du champ des médias « classiques », versions digitales comprises, vers ce que nous appelions les réseaux sociaux. Les rebaptiser de médias concourre à lutter contre l’idée de démonétisation. Vous verrez qu’on va bientôt réellement considérer les jeux comme du média, à moins que l’on assiste à une fusion entre médias et culture, ce qui serait finalement une conclusion wahrolienne logique.
Le paradoxe apparent, c’est que les médias aient en fin de compte autant de mal à trouver une solution pour monétiser l’audience. Le pire n’est jamais sûr et il y a aussi des modèles qui marchent. Le problème c’est qu’ils ne sont pas sur étagère et qu’il faut aller les trouver dans l’ADN même du média. C’est compliqué et c’est lent. Mais je veux rester positif et penser que ça finira par arriver. Sauf qu’à la fin, cela risque de ressembler à autre chose que ce que nous appelons médias encore aujourd’hui.

La démonétisation est une réalité. Des pans entier de l’économie disparaissent. Nous avions sans doute oublié, que dans l’histoire, des processus de ce genre se sont déjà produits. Il y a un siècle, l’invention technologique du chemin de fer, puis du moteur à explosion, a démonétisé le marché équin. Notre monde hérité de la seconde guerre mondiale était-il à ce point éternel que nous soyons déstabilisé face aux changements économiques actuels ? La démonétisation est un processus normal.

Mais la démonétisation cache en son sein quelque chose de socialement intéressant et de plus troublant. Dans l’histoire du marché des encyclopédie, la phase ultime du processus appartient à Wikipédia, une initiative non-marchande et collective. Quand je dis qu’il faut chercher les 1000$ de 1991 dans le PC de la maison, je suis volontairement réducteur et grossier. Le PC de la maison est « financé » par bien d’autres transferts et cela pourrait être un sujet intéressant. En fait, je suis d’accord avec ceux qui pensent simplement que les 1000$ sont restés dans la poche du client et l’ont en quelque sorte enrichi. Le processus de démonétisation aurait alors profité à tout le monde et libéré des liquidités.
On peut aussi regarder les choses autrement, comme ceux qui voient là-dedans une sorte de néo-socialisme, dénommant ainsi une sorte de resocialisation de marchés. Wikipédia peut en effet être vu comme une sorte de bien commun, ou un service-public nouvelle génération. De là à penser que l’on assiste sur le net à une sorte de réappropriation collective de biens autrefois privatifs, il n’y a qu’un pas.

Personne ne niera cependant que les conditions d’entrée sur les marchés se sont considérablement abaissés à l’heure du web. Et grace au web², ce phénomène est en train de s’étendre aux biens physiques. Parmi les nouveaux entrants, il y a aussi des acteurs non-marchands. Les blogs en sont, d’une certaine façon en ce qui concerne les médias, et c’est bien pour ça qu’ils ont dérangé, et qu’ils dérangent un peu moins depuis que les blogueurs se professionnalisent. La question que je pose ici est celle de savoir si, dans la démonétisation des médias, il n’y a pas aussi une part de resocialisation, à côté du déplacement de la monnaie sur d’autres marchés ?
Pour autant, ce à quoi répond Wikipédia est-il sorti du champ de l’économie ? Evidemment non. En tant que bien public, Wikipédia est un terreau et donc un marché potentiel. Une chose bien comprise par Wikipédia lui-même, mais qui est dérangeante quand elle se concrétise, à l’exemple de ce qu’a fait récemment Orange. Une idée à rapprocher des débats de l’été dernier sur le financement des médias par des fondations …

Le temps est peut-être venu de prendre un peu de distance et de mesurer les mutations à l’oeuvre, les processus de démonétisation, les transferts de masses qu’ils induisent, tout comme la resocialisation de pans entiers de l’économie et la création simultanée des nouveaux terreaux d’économies qu’ils représentent. L’économie de l’immatériel n’est pas simplement la comptabilisation de biens dématérialisés, elle est aussi un nouveau siècle qui ne s’accomodera pas longtemps de ceux qui appliquent sur lui des grilles de lectures postulant la pérennité d’une structure de marché des 30 glorieuses. Il est temps d’avoir l’esprit agile et comme je l’ai dis récemment, un état d’esprit naturaliste dans l’observation des mutations.

> Article initialement publié sur le blog du groupe Reflect

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Google veut révolutionner l’info payante: mais que vendre ? http://owni.fr/2009/09/10/google-veut-revolutionner-linfo-payante-mais-que-vendre/ http://owni.fr/2009/09/10/google-veut-revolutionner-linfo-payante-mais-que-vendre/#comments Thu, 10 Sep 2009 15:27:13 +0000 Benoit Raphaël http://owni.fr/?p=3460

Oubliez l’Apple Keynote d’hier soir (toujours rien sur l’Apple Tablet…), cette semaine, c’est Google qui fait l’événement. Et en mettant justement les pieds dans l’un des bastions les plus prometteurs d’Apple: le micropaiement.

Que propose Google ?
Tous les contenus doivent être accessibles, continue de plaider le géant américain, mais cela ne veut pas dire qu’ils doivent être gratuits.
Google va donc proposer dès l’année prochaine un système de micropaiement aux internautes.

Cherchez avec Google, payez avec “Google Checkout” (le nom de ce nouveau service).

Les applications envisagées iront de l’abonnement mensuel, à l’achat à l’unité jusqu’au paiement de packs de contenus émanant de plusieurs publications. Par exemple: un Top 10 des contenus éco du jour.

Comme Apple avec AppStore, ou comme avec son propre “Android Market” (le service d’applications mobile de Google) Google prendra 30% sur ces transactions.

Cette annonce, qui est en fait une réponse à une requête lancée par la NAA (Newspapers Association of American) sur la monétisation des contenus des journaux sur Internet, pourrait bien annoncer une vraie révolution.

Pourquoi ? Parce que le modèle du tout gratuit sur Internet est en crise.
Mais surtout parce que la proposition émane de Google. Et que Google est l’une des rares firmes (avec Apple sur le mobile) à pouvoir proposer un système unitaire de micro-paiement = Google organise l’information sur Internet, Google démocratise le système du “single-sign-on” (un seul compte pour plusieurs services), demain Google proposera le système de paiement sur les contenus qu’elle organise.

Voici le document envoyé par Google à la NAA:

Google’s proposal to the Newspaper Association of America

J’avais déjà évoqué ce débat du gratuit/payant il y a trois ans sur ce blog, à la suite d’une discussion que j’avais eu en juin 2006 avec Nathan Stoll, le patron de Google News, à l’issue d’une conférence. Il nous disait: “Je ne suis pas pour le tout gratuit. Si payer est pratique pour les gens, alors il faut faire payer. Mais rien ne bougera tant que payer 1$ sur Internet sera compliqué pour le client”.

Je n’ai pas changé d’avis.

Si Google démocratise le micro-paiement, et l’inclut de façon “indolore” dans le parcours de recherche de l’internaute, il y a fort à parier que cela entraînera une nouvelle mutation de l’écosystème de l’info.

Une question demeure : que peut-on vraiment vendre ?
Le parallèle avec iTunes a ses limites. Un morceau de musique est un contenu indivisible, qu’il faut pirater si on veut l’écouter sans payer, et dont on profitera toute sa vie. Une info, c’est beaucoup moins concret. Une info, une fois qu’elle est entrée dans le domaine public, perd sa valeur et peut être partagée gratuitement sans passer par la case copier-coller. Difficile de la vendre, même avec un système aussi “indolore” que le micro-paiement.

Le modèle payant dominant aujourd’hui est celui de l’abonnement premium. Un vrai come-back, même s’il a plus de dix ans.
Mais il relève en fait du modèle “freemium”: il ne repose pas spécifiquement sur la vente de contenus mais plutôt l’appartenance à un club, le soutien à une cause, l’achat de services.
On crée du trafic en mettant à disposition gratuitement des contenus, et on fait payer des services.

Mais pas, à proprement parler, de vente de contenus d’info.

Y-a-t-il d’autres pistes ?
Revenons à la révolution Apple, qui semble se faire couper l’herbe sous les pieds avec le projet de Google.

Sur quoi repose cette révolution ? Avec le iPhone, Apple a bouleversé l’écosystème de l’info sur mobile. Et donc de l’info online puisque la mobilité est la prochaine étape du Net.

Revoyons ces étapes :
1- Années 90: l’ère WWW. L’info est organisée en rubriques sur le site Internet du média
2- Années 2000: l’ère Yahoo. L’info est rassemblée non plus sur des sites mais sur des portails
3- Années 2002-2008: l’ère Google et le web 2.0. L’info est fragmentée et s’organise autour des contenus organisés par Google.
4- Années 2010: l’ère iPhone et NetPC. L’info s’organise autour des applications téléchargées sur votre device mobile (Net PC, iPhone ou GooglePhone).

On pourrait s’amuser à faire un classement des médias pour voir à quelle étape ils sont restés… Et vous, à quelle étape vous situez vous ?

L’étape 4, c’est donc celle de l’application.
Elle s’est démocratisée avec l’iPhone et Android. Elles sont en train de se développer sur les Net PC. C’est l’une des grandes idées de Jolicloud (par Tariq Krim, fondateur de Netvibes), dont la version béta vient d’être lancée.

Et l’on se rend compte que ces applications se vendent plutôt bien, grâce au micro-paiement d’Apple (le modèle iTunes) et qu’elles vont également permettre (depuis cet été) d’acheter en un seul click des services et des contenus.

Et si nous pensions les contenus d’info de demain comme des applications ? A quoi pourrait ressembler une appli-documentaire, par exemple ?

Nous n’avons pas fini de re-penser l’info sur le réseau.

> Un article initialement publié sur le blog de Benoît Rapahël : Demain, tous journalistes ?

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Médias tradis: le vrai défi est plus Internet que la gratuité http://owni.fr/2009/07/23/medias-tradis-le-vrai-defi-est-plus-internet-que-la-gratuite/ http://owni.fr/2009/07/23/medias-tradis-le-vrai-defi-est-plus-internet-que-la-gratuite/#comments Thu, 23 Jul 2009 07:42:10 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=2063 La bouée de l’été, dans les médias, c’est le retour du payant sur Internet, notamment pour les journaux.
Mais le vrai problème n’est probablement pas tant la concurrence de la gratuité, que la concurrence de l’Internet lui même, de son innovation permanente, et des nouveaux usages d’un public qui en raffole.

La publicité évaporée n’étant pas prête de revenir et la migration vers l’Internet s’accélérant, la presse écrite, aux abois, tente, en Amérique comme en Europe, de bâtir des fortifications autour de ses contenus en ligne.

Péage en ligne: fortification ou château de sable?

Les éditeurs qui jouissent d’audiences record ne savent toujours pas les monétiser, voire même souvent, rentabiliser leurs opérations web. Le volume de la pub liée au trafic n’a jamais été suffisant pour faire vivre des rédactions. D’où la tentation généralisée actuelle de mettre fin au tout gratuit pour protéger leur journalisme.

Prédictions & initiatives fleurissent, la grogne contre Google monte:

Google a assez vite répondu aux grincheux : il vous suffit de deux lignes de codes pour vous faire déférencer. Chiche !

En France, Alain Weill, patron de NextRadioTv (BFM, RMC, la Tribune…) estime que tout le monde passera au modèle payant sur le web d’ici fin 2009 ou le début 2010, tandis que Libération proposait, en juin, de faire payer les fournisseurs d’accès.

On vante volontiers le modèle de Canal Plus ou des Echos (partie en clair, partie payante), on rappelle qu’après des décennies de gratuit, les gens ont payé pour de nouveaux bouquets de chaînes, et on regrette le bon vieux temps du Minitel, « cash machine formidable», rappelait récemment un éditeur éminent.

Les récentes mesures de défiscalisation des donations devraient aussi fournir de l’aide à certains.

Mais le premier problème au modèle payant est bien sûr de faire revenir en arrière toute une audience habituée à consommer, depuis 15 ans, des informations gratuitement et de ne pas tenir compte des nouveaux usages dans la manière de s’informer. Pas facile de dire à son audience : « vous avez tort, nous avons raison et on va vous montrer » !

Le deuxième obstacle est la récente abondance exponentielle de l’offre. L’information abondante restera gratuite ; celle qui est rare, fraîche ou exclusive sera payante quelques heures. Aujourd’hui seule l’info financière – d’ailleurs payée par l’employeur et non l’individu– entre entièrement dans cette catégorie. Des sujets pointus peuvent aussi jouer cette carte. Pour le reste….

Le troisième souci, probablement le plus important, est l’évolution permanente d’Internet et des nouveaux comportements d’un public (Web 2.0, médias sociaux, …) qui en raffole.

Pendant ce temps, l’un des best sellers de l’été, aux Etats-Unis, est « Free » (« Gratuit »), le nouveau livre de Chris Anderson, qui le premier avait théorisé avec sa « longue traîne », le business model de Google et d’Amazon.

Cette fois, le rédacteur-en-chef de Wired, entend montrer comment il peut être de plus en plus judicieux pour une entreprise numérique – aux coûts marginaux de distribution quasi nuls– d’offrir des produits gratuitement pour gagner sur d’autres tableaux. La subvention croisée, le tiers payant, le modèle freemium (Skype) etc…

Le mobile, support naturel du payant

Mais c’est finalement du côté de la mobilité, comme nous l’avons souvent souligné qu’un radeau de survie pourrait arriver.

  1. Les smart phones, et en particulier l’iPhone, présentent une nouvelle offre d’accès à des contenus plus facilement monétisable. On y retrouve une clé de paiement. L’acte d’achat y est plus naturel (habitude de payer son portable, abonnement à la source, faibles montants presque indolores). Le Monde compte plus de 600.000 téléchargements de son appli iPhone et il est probable qu’elle ne restera pas complètement gratuite longtemps. L’Equipe est proche des 100.000 téléchargements, un mois après avoir lancé une appli payante (0 ,79 euro) et compte décliner une panoplie d’offres nouvelles. La pub sur mobile, elle reste quasi inexistante.
  2. Les lecteurs ebook débarquent en masse. Les plus grands éditeurs de presse, les chaînes de librairies (Barnes & Noble, Amazon) multiplient les initiatives. Le grand quotidien espagnol El Pais a annoncé aujourd’hui un accord avec Amazon pour être publié sur le Kindle. La Fnac proposera en fin d’année près d’une demi douzaine de modèles différents. La couleur est pour 2011.

Reste aux éditeurs à s’entendre avec les fabricants et/ou les opérateurs de téléphonie mobile pour trouver un partage difficile des revenus car la bataille pour la marge et l’accès aux abonnés s’annonce rude.

Reste aussi aux éditeurs à proposer des contenus originaux et pertinents. En ont-ils encore la force et les moyens ?

Mais si, comme le dit Chris Anderson, « ce n’est pas difficile d’être compétitif face à la gratuité : il suffit d’offrir quelque chose de mieux ou de différent », il est en revanche beaucoup plus complexe de lutter face à Internet, en perpétuelle évolution.

D’où ce conseil de Dave Winer : « si vous vous trouvez en concurrence avec Internet, un conseil, tirez-vous ! ». Même Microsoft a du mal….

(ce billet est paru dans une première version sur le blog AFP-MediaWatch)

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