OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les data en forme http://owni.fr/2012/09/11/les-data-en-forme-episode47/ http://owni.fr/2012/09/11/les-data-en-forme-episode47/#comments Tue, 11 Sep 2012 13:35:27 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=119863 Owni vous embarque dans un livre aux millions de couleurs, l'inflation en temps réel, les dépenses des parlementaires, les secrets du graphe Facebook et des fractales naturelles.]]> Aux écoliers qui viennent de réintégrer leurs classes, les professeurs présenteront sûrement Raymond Queneau comme un remarquable prosateur. Mais rares sont ceux à qui on exposera son surréaliste ouvrage de littérature expérimental Cent mille milliards de poèmes, lequel propose, par un jeu de languettes et de rimes, plus de vers que ne pourra jamais en lire l’humanité.

Sur un principe voisin, l’artiste allemande Tauba Aurebach (à qui on devait déjà un piano qui ne peut se jouer qu’à deux) a imprimé un “atlas colorimétrique”, déclinant sur 3 000 pages le spectre RGB (ou RVB pour les francophones). Basé sur les trois couleurs primaires de la lumière, ce nuancier constitue le système chromatique de référence pour les écrans et logiciels d’imagerie à travers le monde.

Le livre ne portant aucune autre indication que les couleurs elles-mêmes, pas même code offrant la possiblité d’appliquer la couleur observée sur Photoshop ou Gimp, il s’avère d’une parfaite inutilité pratique. Les amateurs éclairés pourront donc se contenter de la pure contemplation et feuilleter ce qui s’avère être une véritable oeuvre de data-art.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Inflation en temps réel sur Amazon

A l’issue d’une enquête mené par ses journalistes Julian Angwin et Dana Mattioli sur Amazon, le Wall Street Journal a découvert une autre sorte de nuancier : celui des prix pratiqués par les géants du eCommerce ! A l’image du “yield management”, par lequel les compagnies aériennes font fluctuer d’heure en heure le prix de ticket en fonction de la demande et de la disponibilité des places, des algorithmes ont été implémentés sur ce site et chez certains de ses concurrents pour modifier heure par heure (voire quart d’heure par quart d’heure) l’étiquette d’un produit. Objectif de la manoeuvre : optimiser son référencement dans les moteurs de recherche qui scannent le web à la recherche des meilleurs prix, et qui “même pour un penny de différence” ramènent en tête des classements telle ou telle plate-forme. Une méthode surprenante que le site web du quotidien économique a retranscrit en suivant le cours d’un micro onde General Electric sur trois sites différents (dont Amazon) durant la journée du 12 août dernier :

Durant cette seule journée, le four aura ainsi vu son prix passer de 745 dollars à l’aube à plus de 850 dollars dans la matinée avant d’amorcer un creux entre 9h30 et midi, heure à laquelle il est revenu à son pic et ainsi de suite… Le tout correspondant de façon assez fidèle aux heures de lever, repas et travail de l’Américain moyen. Au total, notre micro onde aura connu neuf changements de prix en 24 heures sur Amazon, contre deux seulement chez son concurrent Best Buy, avec une amplitude de prix de 100 dollars ! Interrogé par les journalistes, la société Mercent Corp qui commercialise ces solutions de montagnes russes tarifaires annonce modifier le prix de deux millions de produits chaque heure. De quoi renouveler le concept de shopping en temps réel.

Dans la poche des parlementaires anglais

En 2009, un scandale avait entaché toute la classe politique britannique et interrogé la France : plongeant dans le détail des notes de frais des parlementaires, nos confrères du quotidien le Daily Telegraph avaient relevé des abus manifestes dans ces dépenses discrétionnaires, depuis les travaux de jardinages jusqu’à la spéculation immobilière en par la nourriture pour chat. Tandis que les Français n’ont pas encore vu la première virgule d’un amendement donnant un droit de regard sur les 6 142 euros de “frais de mandat” versés chaque mois par l’Assemblée, le gouvernement britannique a appliqué aux budgets de fonction de ses députés sa politique d’Open Data. Publiées par l’Independant parliamentary standards authority (ou Ipsa), les émoluements des parlementaires sont désormais publics et consultables à loisir sur le site de l’institution. A ceux qui veulent aller droit au but, nos talentueux confrères du Guardian proposent une application qui permet de passeren revue, poste par poste, les dépenses de chacun des élus et de les comparer avec les moyennes des autres partis :

L’application, élaborée à l’aide d’utilitaires de la société de datavisualisation Tableau, propose même un “top” des élus les plus dépensiers, la première place revenant au travailliste Jim Murphy qui a dépensé pour l’année fiscale 2011-2012 près de 87 000 livres, soit 109 000 euros ! Et pour ceux qui s’indigne du manque de transparence de ces données en France, leur souris pourra s’attarder sur l’initiative de l’ONG Avaaz qui a lancé pour cette rentrée parlementaires une pétition en ligne exigeant que les citoyens puissent avoir un droit de regard les livres de compte du Palais Bourbon.

Highway to hell

Avant de retourner à d’autres comptabilités d’utilité publique, permettez-nous de vous offrir une petite pause musicale dans votre voiture de fonction. La filiale australienne de l’assureur Allianz a compilé une série de données d’intérêt divers sur les autoradios, de leur naissance (en 1930, par la bien nommée société Motorola) aux derniers “pods” pour smartphones embarqués :

Nous y apprenons notamment que des études ont prouvé que l’écoute de musique en voiture augmente de cinquante millisecondes le temps de réaction de l’automobiliste aux objets se présentant devant lui mais réduisait de cent millisecondes leur réactivité aux menaces provenant des côtés du véhicule. Le tempo semble également être en cause : le compositeur le plus “sécure” selon une étude cité par ce panneau serait Mozart tandis que Eminem serait le plus accidentogène. Au milieu du classement, Elton John constituerait le meilleur compromis. En tout cas du point de vue de la sécurité routière.

Tous les amis du Monde !

Lancé début août, le site Facebook Stories s’était donné pour vocation de relayer “les plus belles histoires” partagées sur le réseau et ceux qui l’utilisent. En plus des histoires particulières, le site d’est enrichi cette semaine d’une datavisualisation réalisée par une chercheuse issue de la prestigieuse université de Stanford portant sur les liens entre les usagers selon leur pays : la “carte interactive de l’amitié mondiale” :

Le diamètre de chaque cercle est calculée en fonction du nombre de “liens d’amitié” Facebook entre chacun des pays pondéré par le nombre total de ces liens à l’intérieur de chacun des pays.

Si beaucoup de faits sont largement connus (les liens entre les pays européens et leurs anciennes colonies ou bien entre les Etats membre du Commonwealth), d’autres amitiés à longue distance révèlent des aspects méconnus de l’histoire culturel, politique ou économique de certains Etats. Les Brésiliens y révèlent ainsi les forts liens qui les unis aux Japonais, du fait de l’immigration massive vers l’Archipel dans les années 1970, et les intérêts économiques du pays en République démocratique du Congo. Des détails sont présentés en pied de carte pour expliquer l’origine de certains liens (avec quelques bugs néanmoins, comme l’amitié franco-tunisienne expliquée par l’immigration des Zimbabwéens en Afrique du Sud).

La minute autopromo : P/Datha est sur C/Politique !

Owni et France 5 sont heureux de vous annoncer la naissance dimanche 9 septembre d’une nouvelle chronique : C/Data. Elle marche (grâce à Loguy), elle parle (grâce à Julien Goetz) et elle sait même compter (grâce à Paule d’Atha) pour dynamiser en image les débats menés par Caroline Roux dans l’émission C/Politique. Pour cette rentrée, peut-être sous l’influence familiale, elle a parlé de gaz de schiste, pour questionner le lieutenant d’Europe écologie-Les Verts Jean-Vincent Placé, en exposant les pour et les contre de l’exploitation de cette ressource :

Chaque semaine, elle viendra chahuter dans vos dimanches après-midi vers 17h40. Les papas sont un peu crevés mais très contents.

Bonus : quand la nature fait des fractales


Sans l’aide d’aucun logiciel connu, la nature produit spontanément aux quatre coins du globe des représentations mathématiques complexes que l’homme a mis des siècles à mettre en équation. Depuis deux ans, le professeur Paul Bourke de l’University of Western Australia chasse sur Google Earth les fractales partout où ils apparaissent, des plateaux secs d’Espagne aux deltas sinueux de Birmanie et jusqu’au fin fond du Groenland, où la verdure se complexifie mathématiquement.

Le projet Google Earth fractals est libre de contribution et accompagne chaque image d’un fichier .KMZ (compression du format .KML, format de localisation de Google Earth et Google Maps) pour aller admirer, dans leur milieu d’origine, les gribouillis matheux de mère Nature. Et à ceux qui veulent se balader dans l’univers des représentations fractales, depuis Second Life jusqu’au Grand Canyon, le site perso de Paul Bourke offre une jolie galerie de liens.

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Google inscrit les données aux Beaux-Arts http://owni.fr/2012/08/30/google-inscrit-les-donnees-aux-beaux-arts/ http://owni.fr/2012/08/30/google-inscrit-les-donnees-aux-beaux-arts/#comments Thu, 30 Aug 2012 12:32:17 +0000 Camille Gicquel http://owni.fr/?p=118989

Des données chiffrées utilisées comme matériel artistique. Ça s’appelle du Data-Art. Une démarche innovante poussée par Google pour soigner sa com’ et flatter l’efficacité de ses produits. Ainsi, cet été, Google adaptait neuf expérimentations artistiques de ce type aux navigateurs de smartphone. Pour mettre en valeur les possibilités offertes par une navigation sur tablette notamment la sienne, la nouvelle Nexus 7, qui sera mise en vente en France le 3 septembre prochain.

Au-delà de ces effets d’annonce, Google fait du Data-Art un de ses principaux sujets de R&D, comme le raconte son service presse :

Le Creative Lab est une équipe de designers, de rédacteurs, de technologues créatifs, de producteurs, de directeurs créatifs et de directeurs marketing dont la mission est de travailler sur des projets créatifs très divers qui font vivre l’image de Google.

Outre la réalisation de projets comme le YouTube Symphony Orchestra, le laboratoire cherche à mettre en valeur toutes les possibilités offertes par JavaScript, et ceci en fédérant différentes initiatives : les désormais institués “Chrome Experiments” sont une série de projets artistiques sur le web, la plupart étant réalisés par les internautes eux-mêmes. Ces projets intronisent les “artistes de données” et veulent faire de Chrome le navigateur internet du partage et de la création artistique. Parmi les artistes de l’équipe l’on retrouve REAS, Mr Doob, Ryan Alexander, Josh Nimoy, Toxi et surtout, Aaron Koblin, directeur de la création, qui explique sur le blog Data Visions :

Les analyses et les visualisations de données sont devenus des outils indispensables en science et dans le business, mais dans les mains d’une nouvelle génération d’artistes digitaux, la data subit une métamorphose, d’une unité d’information vers un moyen d’expression fascinant, beau et expressif.

Not your mother’s JavaScript

La Google Data Arts Team est à la pointe de la technologie et repousse les barrières de l’utilisation de JavaScript, d’où leur devise “Pas le JavaScript de ta mère”. Elle a recours à différents outils notamment le HTML5 Canvas, SVG et WebGL, mais cherche surtout à faire de l’un des navigateurs les plus avancés une vitrine pour ses projets.

L’open source comme credo, le Creative Lab donne la possibilité aux internautes de récupérer les codes en ligne afin de se les réapproprier et de contribuer aux Chrome Experiments. Les internautes-artistes peuvent d’ailleurs commenter les projets et faire part des difficultés qu’ils rencontrent. Le Creative Lab relaie ensuite une sélection des créations JavaScript les plus réussies.

Expérimental et avant-gardiste. Certes. Mais l’entreprise californienne ne s’est pas lancée sur cette voie par hasard. Alors que Microsoft se positionne sur le marché de l’éducation, Google a donc placé une partie de ses pions dans un domaine encore négligé par ses concurrents : le Data Art.

Stratégie marketing

L’entreprise de San Francisco soigne l’aspect marketing, et met en valeur ses plus gros projets par des partenariats prestigieux. Outre les musées new-Yorkais ou londoniens avec lesquels elle coopère, elle fait une sélection stricte des chansons qui accompagnent ses travaux.

La musique, autant que l’internaute et les partenaires culturels, joue en effet un rôle primordial dans ses expérimentations. On y retrouve des grands noms comme Arcade Fire, Norah Jones, Danger Mouse, ou Daniele Luppi. Mais il n’est pas étonnant de voir une telle stratégie se mettre en place.

Le service de presse de Google France rappelle que ces projets ne rapportent financièrement que très peu à la compagnie : “Nous ne nous faisons pas d’argent là dessus“. Le mode de rétribution principal reste donc la visibilité, d’où la participation d’artistes reconnus, en espérant que les téléchargements de Google Chrome suiveront.

Si ces derniers sont gratuits, ils représentent un aspect économique important de la compagnie. Plus les internautes utiliseront Chrome, plus Google aura de publics cibles à revendre aux entreprises publicitaires. Sans remettre en cause la haute qualité des expérimentations, Google semble avoir fait d’une pierre deux coups : se vendre comme une entreprise innovante dans le domaine de l’art et conquérir de nouveaux marchés de publicitaires.

Collaboratif

L’équipe avisée de professionnels du secteur cherchent donc à surfer sur les tendances de demain et valorisent certaines pratiques plébiscitées, notamment le crowdsourcing.

Aaron Koblin, directeur de la création, artiste geek diplômé de l’Université de Californie de Los Angeles (UCLA), n’en était pas à son premier essai en intégrant le Creative Lab. Il s’était déjà fait remarquer lors de la réalisation du clip 3D de Radiohead “House of Cards” en 2008. De même, ses réalisations The Sheep Market et The Single Lane Superhighway, deux projets collaboratifs invitant les internautes à dessiner un mouton et une voiture, avaient été salués pour leur aspect innovant.

Dans ses premiers projets comme dans ceux réalisés au sein du Creative Lab, Koblin s’est donc attaché à placer l’internaute au cœur des expériences en lui offrant une palette d’outils. Partout dans le monde, derrière son écran, chacun peut donc contribuer à ces projets collaboratifs. Quoi de mieux que de valoriser la participation des internautes, les impliquer dans un projet précurseur et attractif pour les attirer et les fidéliser à un produit, Chrome.

Le temps du rêve

Si tous les projets présents sur Chrome Experiments révèlent les capacités saisissantes du navigateur et de JavaScript, “3 dreams of Black” est certainement le plus abouti. À mi-chemin entre le jeu vidéo et le clip musical, le Creative Lab reste fidèle à son ambition de placer l’internaute au cœur de ses projets et en fait l’acteur principal de cette vidéo interactive.

Plongé dans trois rêves différents, il découvre les mondes imaginés par la Google Data Arts Team et peut les explorer, le tout au son de la chanson Black tirée de l’album “Rome” de Danger Mouse, Daniele Luppi et Norah Jones. Le projet se fait remarquer par l’esthétisme de son travail graphique, tout autant que sa programmation.

Savez-vous planter les arbres, à la mode, à la mode…

Même chose dans “This Exquisite Forest” mis en ligne le 19 juillet dernier, et dont vous pouvez voir la vidéo d’introduction ci-dessous. Le projet réutilise un concept développé par les surréalistes français dans les années vingt : le cadavre exquis. Les internautes collaborent donc autour d’un même projet (ou autour d’un même arbre dans le cas présent), qu’ils peuvent eux-mêmes créer, sans tenir compte de ce que font les autres. Ils peuvent interagir autour du même arbre au même moment “d’un même début vers plusieurs fins différentes”. Tous les outils sont mis à la disposition de l’internaute : les consignes concernant le thème de l’arbre, le choix des couleurs, les effets etc. (pour les moins aguerris, les deux/trois heures passées sur Paint il y a quelques années devraient vous aider).

Mais le projet ne s’arrête pas là. Google s’est associé au Tate Modern de Londres dans lequel les visiteurs pouvaient également participer via des tablettes numériques, et découvrir le travail des internautes. Comme l’explique Jane Burton, directrice de la création du musée :

Il s’agit d’une collaboration créative entre des artistes, les visiteurs du Tate et une large communauté en ligne.

On retrouve aujourd’hui une véritable forêt aux sujets variés : “le feu”, “briser un mur”, “la ligne”, “l’histoire du savon” ou encore “d’une goutte d’eau…”

Cinq applications dans un labo

Tout aussi impressionnant, nous retiendrons le Web Lab réalisé en partenariat avec le musée des sciences de Londres. Le projet permet aux utilisateurs de collaborer autour de cinq expérimentations de Chrome : l’orchestre universel qui permet de jouer de la musique avec toute la communauté en ligne ainsi que les visiteurs du musée. Le téléporteur offre lui une visite en direct de certains lieux de la planète, et permet de prendre des photos pour ensuite les partager.

L’application sketchbot de son côté vous tire le portrait, ce qui permettra à un robot de reproduire votre visage en direct dans le musée de la capitale britannique. De plus, une recherche par mot-clé vous permet de tracer des données, et de découvrir où sont stockées les images issues de votre exploration. L’application permet d’appréhender l’étendu du réseau internet. Enfin, l’explorateur LabTag ouvre la voie vers les créations des autres visiteurs.

Flashback

Retour en enfance et plongée au cœur de sa ville natale dans “The Wilderness Downtown“, projet pour lequel la Data Arts Team a remporté le Grand Prix Interactif de Cannes en 2011. Après avoir entré le nom de la ville de son enfance, le navigateur offre une véritable chorégraphie de fenêtres pop-up, chacune dévoilant de nouvelles vidéos au rythme de “We used to wait” du groupe anglais Arcade Fire. L’équipe mobilise ici toutes les facultés de Chrome ainsi que Google Earth.

L’on peut voir un enfant courir dans une rue pendant qu’une autre fenêtre survole la ville, et qu’une troisième laisse voir des oiseaux se déplaçant en groupe. Une dernière fenêtre propose un mode street view pour une immersion totale.

L’expérience a ensuite donné lieu à une exposition au Musée d’Art Moderne de New-York. Si le projet demeure impressionnant, le bruit du ventilateur de votre ordinateur portable risque de masquer le son de la musique. Et si, comme moi, vous êtes originaire d’une petite ville (pour ne pas dire une ville “paumée” comme on me l’a soufflé à l’oreille) la qualité de Google Earth peut laisser à désirer.

Petit bémol, ces réalisations transforment souvent votre petit ordinateur portable en chauffage d’appoint, et vous font monopoliser toutes les bandes passantes de votre réseau.


À lire aussi : Google Art Project : Tout n’est pas rose
Illustration : capture d’écran issue du film ROME réalisé par Aaron Koblin

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Expertise judiciaire sur GPS http://owni.fr/2011/04/07/expertise-judiciaire-sur-gps/ http://owni.fr/2011/04/07/expertise-judiciaire-sur-gps/#comments Thu, 07 Apr 2011 14:46:36 +0000 Zythom http://owni.fr/?p=55614 Nous utilisons de plus en plus d’appareils qui tracent nos déplacements, en toute connaissance de cause, mais parfois aussi à notre insu.

J’ai découvert récemment dans un article que certains systèmes GPS d’information de trafic routier utilisent le fait que, même en veille, nos téléphones mobiles se signalent aux bornes du réseau. Une accumulation anormale de téléphones sur une route signifie donc un bouchon, information que l’on peut relayer aux abonnés à ces systèmes d’alertes routières. Sans le savoir, vous contribuez au fonctionnement de ces systèmes.

Dans le cadre d’une affaire de grand banditisme, une expertise judiciaire a été ordonnée sur le système GPS d’une des voitures saisies. Voici son histoire.

Certaines voitures haut de gamme disposent d’un système GPS intégré. Il s’agit ici d’un GPS comprenant un disque dur. Les OPJ ayant placé ce disque dur sous scellé, me voici avec une analyse hors du commun. Je contacte le magistrat en charge du dossier. Celui-ci me rassure, il dispose de suffisamment d’éléments. L’expertise est demandée en complément, au cas où… Me voici donc avec un disque dur à analyser, mais sans le mode d’emploi détaillé, si je puis dire.

L’OS propriétaire, caillou dans la chaussure de l’expert

Mon premier réflexe est de procéder à une copie bit à bit du disque dur, en utilisant les outils qui me servent pour mes autres expertises judiciaires : bloqueur d’écriture, création d’une image numérique fidèle (tenant compte des éventuels secteurs défectueux du disque) et analyse de celle-ci. Seulement voilà, le disque dur est formaté avec un format propriétaire inconnu par mes outils d’analyse. Pas d’analyse possible à mon niveau… et aucune information exploitable pour l’instant.

Démarre alors une après-midi de coups de téléphone. Tout d’abord à l’OPJ pour qu’il me donne plus de détails sur la marque et le modèle du GPS. Des coups de fils au distributeur français, au sous traitant allemand, au distributeur “Europe”. Après moultes musiques d’attente, de rappel à cause de réunions, de filtres de secrétaireries, j’arrive au sésame de tout expert judiciaire (comme de toute personne appelant à l’aide un support): une personne compétente techniquement au bout du fil.

Après plusieurs jours de négociations, d’explications, d’échanges d’emails, nous convenons de la procédure suivante: j’amènerai moi-même à la structure technique parisienne le disque dur pour qu’il soit analysé en ma présence via une procédure interne spéciale propre au constructeur. Sous le sceau de la confidentialité.

Le jour J, me voici dans un petit local de banlieue, accueilli par un technicien attentif. Je lui explique les conditions dans lesquelles je souhaite que soit effectuée l’opération, je lui fournis mon bloqueur d’écritures et le disque dur. Il place le tout dans un système d’analyse propriétaire qui effectue la lecture complète des données du disque dur. Il m’explique que le GPS embarqué effectue environ une mesure par seconde et la stocke sur le disque dur considéré comme une bande sans fin. Je ressors de là avec un fichier Excel contenant toutes les mesures (et bien sur le disque dur remis sous scellé).

Me voici de retour chez moi avec un ensemble de coordonnées GPS codées en dégrés décimaux WGS84 (World Geodetic System 1984) et un ensemble de conseils précieux fournis par le technicien “faites bien attention lors de la conversion si vous comptez utiliser des cartes pour y placer les points”.

C’est effectivement assez délicat de passer de celles-ci à mes habituelles coordonnées LAMBERT (utilisées en spéléo avec les cartes IGN d’état major) au format sexagésimal (base 60).

Google Earth pour enquêter

J’ai donc eu l’idée d’utiliser Google Earth qui utilise une projection cylindrique simple avec un plan de référence WGS84 pour sa base d’images. J’ai ainsi pu placer les points de mon fichier Excel sur une carte (après moultes essais, je dois l’avouer). Et étudier les déplacements de la voiture concernée. Et ses arrêts longues durées à certaines adresses. Adresses qui se sont révélées être celles de présumés complices, soit disant inconnus de l’utilisateur de la voiture.

Comme Google Earth n’est pas un logiciel d’expertise (lire les conditions d’utilisation) et ne garantit pas l’exactitude des reports de points, j’ai effectué plusieurs vérifications avec mes cartes IGN pour m’assurer que je ne commettais par d’erreur. J’ai rendu un rapport complet expliquant ma méthode et les adresses des points d’arrêt relevés. Le magistrat au téléphone avait l’air content de mon travail. Malheureusement je ne connais pas les suites données au dossier, étant “expulsé” de la procédure dès le dépôt de mon rapport.

Mais depuis, je ne regarde plus mon téléphone ni mon Tomtom de la même manière…

>> Article initialement publié sur le blog de Zythom

>> Photos FlickR CC Attribution Gary Bridgman, AttributionNoncommercial nicolasnova

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Quand les Net artistes hackent Google Maps http://owni.fr/2011/04/03/quand-les-net-artistes-hackent-google-maps/ http://owni.fr/2011/04/03/quand-les-net-artistes-hackent-google-maps/#comments Sun, 03 Apr 2011 08:28:31 +0000 Mael Inizan http://owni.fr/?p=54801 Comment les artistes détournent-ils les outils du web ? Silicon Maniacs inaugure une nouvelle série consacrée au braconnage artistique sur Internet. Aujourd’hui, les hacking de Google Maps, Google Earth et Google Street View.


Depuis la seconde moitié des années 1990, des artistes utilisent le web comme un matériau à part entière. Sites Internet, moteurs de recherche, réseaux sociaux ou mondes virtuels : ils détournent les outils que nous utilisons quotidiennement sur Internet pour questionner nos usages et nos représentation du réel. Silicon Maniacs vous propose une revue non-exhaustive de ces hacking artistiques, en commençant aujourd’hui par Google Maps, Google Earth et Google Street View.

La cartographie n’a jamais été une opération neutre et objective. Les cartes offrent une certaine représentation de la réalité. Un point de vue sur un territoire donné à partir duquel de nombreux artistes se sont interrogés. Paramétrables et facilement accessibles, les services de cartographie de Google, Google Maps et Google Street View, ont dès lors fait l’objet de multiples détournements en tous genres.

Google Maps

Issu du collectif Frères Ripoulin, Claude Closky travaille autour des supports immatériels et du numérique. Avec Backward rain forecast (2009), il détourne les balises repères d’une Google Maps, pour en faire une carte météo annonçant des averses “inversées”.

Avec Imaginary landscape (2008), Sylvie Ungauer propose une visualisation des flux d’informations de source française qui circulent sur la toile. Des nuages formés de titres d’article flottent au-dessus des régions au cœur de l’actualité. En se déplaçant de continent en continent, ces nuages traduisent la manière dont notre perception du monde est forgée par les rebonds de l’actualité.

Mardi Noir est un artiste issu de la scène graffiti rennaise. Il utilise Google Maps pour géolocaliser ses collages sur des cartes Google, créant ainsi des jeux de piste dans les rues de Rennes, de Paris ou de Londres.

Circulation des “Trucs”, au cours de la semaine du 05 mars au 12 mars, le 06 mars, à 10h19

Les Net artistes Microtruc s’interrogent de leur côté sur la géolocalisation. Le collectif a organisé entre les mois de novembre 2010 et mars 2011 un happening autour du voyage virtuel d’objets non-identifiés (“les Trucs”) à travers la France. Confié à un nouveau passeur toute les 24 heures, chacun de ces “Trucs” était en permanence géolocalisé sur une Google Maps, mise à jour toute les heures. À l’issue de leur journée en compagnie d’un “Truc”, les participants s’engageaient à relater leur aventure. Les cheminements des “Trucs” et les récits plus ou moins cocasses de l’expérience sont à retrouver sur le site du Truc.

Google Earth

L’Américaine Molly Dilworth [en] intervient de son côté directement sur le monde réel pour impacter le virtuel. Pour son projet Painting for satellites [en], l’artiste a réalisé trois fresques géantes sur les toits d’immeubles new yorkais. Des fresques qui ne prennent toute leur dimension que lorsqu’elle sont photographiées par satellite pour apparaître sur Google Maps.

Artiste-programmeur, comme il se définit lui-même, Clement Valla [en] réfléchit sur la manière dont des algorithmes conçus pour être parfaitement logiques peuvent générer des résultats absurdes. Pour son projet Postcards from Google Earth, Bridges, il a réuni une soixantaine de clichés qui illustrent les ratés des premier passages de la modélisation 2D à la modélisation 3D de Google Earth.

Google Street View

Membre du collectif Microtruc, Julien Levesque recompose de nouveaux panoramas en superposant les fragments de plusieurs paysages, à la manière d’un cadavre exquis. Les Street View Patchwork sont ainsi constitués de vues issues de Google Street View, qui correspondent à différents endroits et à différents moments. Un collage numérique qui forme un panorama inédit qui n’existe que sur Internet.

Jon Rafman est à l’origine du fascinant projet 9eyes, dont le titre fait référence aux neuf caméras qui équipent les Google Cars. L’artiste canadien a consacré des dizaine de milliers d’heures à explorer Google Street View à la recherche d’instantanées et d’images insolites. Interviewé par le magazine Vice, il explique qu’il est fasciné par l’aspect brut, sans parti pris, de ces images automatiquement capturées par les appareils photos des voitures de Google : “Il y a quelque chose en elles qui m’évoquent un sentiment d’urgence, que je trouvais assez présent dans la photographie de rue du XIXe et du début du XXe siècle. Avec son regard robotique prétendument neutre, la photographie Street View bénéficie d’une spontanéité qui ne sera jamais maculée par la sensibilité et les projets d’un photographe « humain ». Je voyais ces images comme une représentation neutre – quoique privilégiée – de la réalité.”

Avec le projet Street With A View [en], les artistes Robin Hewlett [en] et Ben Kinsley [en] ont au contraire cherché à détourner cette dimension prétendue neutre et spontanée des images captées par Google Street View. Le 3 mai 2008, les deux artistes ont organisé, avec la complicité de Google, une série de scènes insolites sur le passage des Google Cars à Pittsburgh. Au détour des rues des quartiers nord de la ville, les internautes pourront donc croiser un poulet géantun laboratoire de savants fousun duel de samouraïs avant de tomber sur la grande parade du quartier.

L’aventure est par contre totalement fortuite pour Aram Bartholl. “Je prenais mon café habituel au café Mörder à Berlin. Par hasard, j’ai repéré la voiture Google Street View passant sur ​​Borsigstrasse. J’ai laissé tomber ma cuillère, pris la porte et couru après elle …”, explique-t-il sur son site Internet. De cette course derrière la voiture de Google est né le projet 15 Seconds Of Fame [en] , en référence aux 15 minutes de gloire évoquées par l’artiste américain Andy Warhol.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Nous aurons prochainement l’occasion de reparler d’Aram Bartholl pour ses nombreux autres projets, notamment autour des mondes virtuels. L’artiste berlinois cherche à imaginer la manière dont se transposeraient physiquement les outils d’Internet dans la vraie vie. À titre d’exemple, son projet Map visait à reproduire en grandeur nature les marqueurs de Google Maps pour identifier un endroit.


Article initialement publié sur Silicon Maniacs, sous le titre “Net Art Collection : Google Maps”. Vous pourrez y retrouver cette série tous les jeudis !

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Google:|| Cours camarade, le vieux monde est derrière toi! http://owni.fr/2010/05/28/google-cours-camarade-le-vieux-monde-est-derriere-toi/ http://owni.fr/2010/05/28/google-cours-camarade-le-vieux-monde-est-derriere-toi/#comments Fri, 28 May 2010 10:21:44 +0000 Alix Delarge http://owni.fr/?p=16794 Google n’est pas seulement devenu en un temps record un mastodonte de l’économie mondiale. Il incarne la troisième révolution industrielle, celle du numérique. Entreprise postmédias, postidéologique et postcapitaliste, Google est le nouveau monde qui remplace l’ancien, non sans débats passionnés. Radioscopie d’un prédateur cool.

Quand avez-vous pour la première fois « googlelisé » le nom de la nouvelle copine de votre ami d’enfance avant de les inviter à dîner tous les deux ? Ou celui de votre nouveau patron pour vous informer de ses antécédents ? Ou encore d’Isabelle Adjani pour vérifier son âge ? Quand avez-vous pour la première fois utilisé Google Earth ? Ouvert un compte gmail ? Souvenez-vous : c’était il n’y a pas si longtemps. Et pourtant une éternité.

En à peine douze ans, Google s’est imposé dans nos vies, notre vocabulaire, nos yeux, nos cerveaux, notre façon de voir le monde. « Le terme “googleliser” est le premier néologisme de l’Histoire à figurer une action et non plus un simple objet », fait remarquer Stéphane Distinguin, qui a présenté La Méthode Google, du journaliste américain Jeff Jarvis. Le Times a parlé, à propos de Google, de « l’entreprise au développement le plus rapide de l’histoire du monde ».

Parce que la révolution Google n’est pas réductible à des chiffres, même vertigineux, il nous faut comprendre en quoi Google clôt une ère et en ouvre une autre. Son modèle économique et son système de valeurs nous en donnent la mesure. Attention néanmoins : le vieux monde n’a pas dit son dernier mot.

Comment Google est devenu multimilliardaire sur des services gratuits

« Organiser toutes les informations à l’échelle mondiale dans le but de les rendre utiles et accessibles à tous »

C’est la mission que s’assigne officiellement, et en toute modestie, Google. Ce que le spécialiste des nouvelles technologies Michael Malone, du Wall Street Journal, traduit en ces termes dans l’excellent documentaire de Gilles Cayatte, Google, la machine à penser : « Voilà un modèle économique génial : fournir un service gratuit et faire payer les annonceurs dans la coulisse. » 97 % des recettes de Google proviennent en effet de la publicité. Une « Contre-enquête » du journal Le Monde, en avril 2010, résume assez bien le procédé : « Le groupe vend des mots-clés aux annonceurs, via un système d’enchères. Si ces mots-clés font l’objet d’une recherche (de la part de l’internaute), leur lien publicitaire apparaît au-dessus ou à droite des résultats “naturels” de la recherche. » Ainsi, Google rassemble des sommes microscopiques multipliées à l’infini, puisque tout mot au monde, et ce dans toutes les langues, est à vendre. Son système de relevé des compteurs est simplissime : l’annonceur en question n’a qu’à se connecter sur AdWords, la régie pub de Google, et s’y enregistrer.

« Google est le plus extraordinaire et fascinant succès de notre époque, tant économique, médiatique que technologique. Le génie technologique s’apparente à de la magie », expliquait David A. Vise, journaliste au Washington Post et coauteur de Google Story en 2006, dans un chat au Journal du Net. À croire que les esprits les plus rationnels ont perdu tout sens critique devant l’extraordinaire réussite de Page et Brin, chapeautés par un CEO senior depuis 2001, Éric Schmidt. Mais pourquoi cette réussite ?

Parce que le potentiel de développement de Google est exponentiel. Selon le principe du redéploiement permanent, du « best effort », Google étend son domaine d’intervention à tous les secteurs. Gratuitement pour les utilisateurs, à peu de frais pour tous ceux qui ont quelque chose à vendre : des billets d’avion, un blog, des recettes de cuisine, etc., et qui ont intérêt à être bien placés en page d’accueil du site. Être bien placé signifie que le mot-clé est traité selon un indice de pertinence, lui-même calculé par PageRank en fonction de ce que l’annonceur paie et de ce que l’internaute tape. Ainsi, saisissez la lettre « a » et vous obtiendrez 13,89 milliards de réponses. Mais la première d’entre elles sur le Web français sera… « De particulier A particulier », obtenue en 0,25 seconde. Ce qui fait dire au très critique Renaud Chareyre, dans son essai Google spleen, que le métier de Google n’est pas l’information, mais la publicité. Ce qui est « sponsorisé » est-il plus pertinent que ce qui est « naturel » ? À dire vrai, tout le monde s’en fout puisque tout le monde y gagne. Nous y reviendrons.

En somme, Google n’a pas inventé une nouvelle manière de communiquer, mais a simplement adapté ses outils aux besoins de communication et d’information de l’homme moderne. C’est peu ou prou ce que répondait Mark Zuckerberg, le jeune fondateur de Facebook, interrogé sur le succès de son réseau social : il suffit d’organiser un besoin qui existe déjà. La révolution ne consiste donc pas en l’invention chimérique d’un homme nouveau :

« Google ne nous traite pas comme une masse, mais a compris que l’économie est une masse de niches – c’est-à-dire que le petit est le nouveau grand. Google ne se considère pas comme un produit. C’est un service, une plate-forme, un outil pour donner des moyens aux autres qui, jusqu’à preuve du contraire, ne connaît pas de limites », analyse Jarvis.

On comprend mieux que Google étende avec un succès égal ses principes aux autres domaines de la communication. Dans le monde horizontal de la conversation planétaire, il suffit de « donner » aux gens les moyens de converser. C’est pourquoi on peut dire avec Michel Serres (notre Grand témoin, p.176) que « le plus ignorant d’entre nous jouit désormais d’un accès assez facile à plus de connaissances que le plus grand savant du monde d’hier ». Voilà ce que devient le monde quand il est livré aux informaticiens ! Surtout quand ceux-ci se piquent de messianisme !

Comment Google invente chaque jour une nouvelle utopie planétaire

Car Google s’affiche comme l’étendard postmoderne de la mondialisation heureuse. En premier lieu dans son image publique et son management, brandis comme les « must have » du nouveau millénaire. Pensez : un Américain pure souche s’allie avec le fils d’un réfugié russe. Pour les deux comparses, la guerre froide est synonyme de paléolithique ! « Larry et Sergey étaient des étudiants de Stanford qui faisaient du roller et mangeaient des pizzas », raconte Marissa Mayer, une des vice-présidentes, dans un sourire ému. Ils inventent ensemble un nom mi-puéril, mi-savant [Nd: Le terme mathématique «gogol» signifie 10 100, soit le chiffre 1 suivi de 100 zéros. Google en est une déformation.] dont ils peinturlurent le logo de couleurs prépubères. Bleu, rouge, jaune, bleu, vert, rouge, en lettres rondes et friendly.

Dans leur premier QG, chacun des 39 salariés orne son bureau d’une lampe à volcan, symbole d’inventivité et de feu d’artifice après chauffage. On travaille sur des tables de ping-pong. Il y règne un « chaos global où plus personne ne sait qui dirige qui ». Au pays de Google, il faut être « curieux, ouvert sur le monde et aimer la technologie ». Les nouveaux « googlers » sont accueillis par les anciens lors des fameux « TGIF » (« Thanks God, It’s Friday »), où ils se doivent d’être drôles, spirituels et, donc, ouverts sur le monde, le tout en arborant des tee-shirts de geek gonflés au niveau de la brioche par des litres de Coca. La fiction Google nous est ainsi présentée sous la forme d’un phalanstère : la cantine est gratuite, les salles de sport aussi, et l’on peut s’adonner à la relaxation tant qu’on veut, puisqu’il n’y a prétendument personne pour vous surveiller. Chez Google, être sympa est un art de vivre.

Pas étonnant quand on sait que les primes versées sont, entre autres, fonction de sa cote de popularité auprès des collègues. Pour ceux qui auraient la velléité de se la jouer selfish, Google a tout prévu : les ingénieurs maison disposent de 20 % de leur temps pour travailler à des « projets perso ». Là réside le fondement philosophique de l’open source : ce qui est à moi est à toi, et vice versa. On a là un bel exemple de syncrétisme, entre la société communiste idéale et le goût de l’effort capitaliste. Peu importe, du moment que l’invention perpétuelle alimente la machine globale. Une fois de plus, tout le monde est supposé être le gagnant de ce jeu collaboratif. Afin d’éviter les dérives (déviances ?), des slogans édifiants sont rédigés à la coule – et au feutre – sur les tableaux :

« Traitez les gens avec respect… Faites un effort pour intégrer les nouveaux… Partagez, soutenez, aidez-vous les uns les autres… Célébrez, partagez joies et succès ensemble… Soyez solidaires… Saluez-vous et communiquez entre vous… Créez des liens avec d’autres équipes… Faites passer les informations sans relâche… Acceptez la pression, utilisez la pression de façon saine… »

C’est donc dans cet univers de Bisounours que se construit peu à peu l’empire Google : la « crème de la crème des universités mondiales » a le sentiment de participer à la plus grande aventure de l’histoire de l’humanité. En toute démocratie : les décisions stratégiques (la présence en Chine, les droits d’auteur) sont censées être débattues comme dans l’agora, car Google est une entreprise dotée d’une conscience. Mais surtout, on sait « rester cool malgré le succès », selon les mots du CEO himself. La « google-itude », ce serait Adam Smith revu et corrigé par Tarantino : une contre-culture branchée fondée sur la liberté, ayant digéré tous les codes de la société postidéologique. Le pari fou de sales gamins assez culottés pour défier Dieu en personne.

Don’t be evil: comment ringardiser Dieu en dix leçons

Oui, Dieu. En proposant plus qu’un slogan, plus qu’une devise. Un commandement, carrément. Stéphane Distinguin en reste bluffé : « Oser dire Don’t be evil est surprenant, démesuré. C’est une ambition de fou. » Et pourtant bien réelle. On a dit que la sentence Don’t be evil (« Ne soyez pas malfaisant ») avait été inventée pour moquer le Microsoft de Bill Gates, accusé par les autorités antitrust d’être « le mal ». Mais au-delà de sa genèse, la formule fait d’abord penser à la croisade de George W. Bush. « Axe du bien » contre « axe du mal », pas sûr que l’analogie plaise à ses concepteurs.

Et pour cause : ne pas être malfaisant signifie davantage que le simple rejet du camp adverse, à supposer qu’il existe dans la vision globale de ces citoyens sans frontières. Il s’agit bien au contraire d’une conception mégalomaniaque du grand dessein auquel se livrent Brin et Page : celui de concurrencer Dieu sur son propre terrain. Tel le roi Nemrod obsédé par la construction de sa tour pour atteindre le ciel, les deux compères ne se sont fixé aucune limite. Ils n’aspirent ni plus ni moins qu’à « changer le monde », le tout en jean-baskets. Le commandement premier Don’t be evil est ainsi accompagné de dix recommandations inscrites au frontispice du Googleplex . Elles dessinent le paysage d’un postcapitalisme mystique dans son idéologie (une nouvelle frontière pour l’humanité) et « tarantinesque » dans sa régurgitation démesurée des codes du passé (« adulescence », jeunes gens décérébrés et gavés de références).

Totalement décomplexés et, il faut bien le dire, un peu ridicules, les deux anciens potes de fac ? Oui. Mais malheur à qui ne les prendrait pas au sérieux. Il faut toujours prendre au sérieux ceux qui construisent des églises. Et qui y parviennent.

La suite de cet article est disponible ici.

Article publié dans le magazine Usbek & Rika, disponible à partir du 3 juin

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Crédit Photo Flickr CC : Manfrys.

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